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Gigoult, Widor et d’autres encore feront les sujets des prochains articles.

Par ce simple aperçu on peut juger de l’importance de la musique d’orgue qui a des noms comme ceux de Bach, Mendelssohn, Schumann, peut joindre ceux de César Franck, Saint-Saëns, Brahms.

(À suivre)
Gabriel Bernard.

L’Ouverture de Tannhauser

Comme pour le prélude du troisième acte des Maîtres-Chanteurs[1], Wagner a donné de l’ouverture de Tannhæuser un intéressant commentaire que nous reproduisons ci-dessous :

« Au début, l’orchestre chante le cantique des pélerins. Les voix se rapprochent, s’enflent dans un élan puissant et s’éloignent. — Crépuscule ; derniers échos du cantique. — Dans les ombres de la nuit, on voit se dessiner des apparitions fantastiques. Un nuage rose et parfumé les enveloppe, des cris voluptueux frappent l’oreille et la danse joyeuse déroule ses anneaux lascifs. C’est la fantasmagorie séduisante du Vénusberg… Attiré par le charme, on voit paraître Tannhaüser, le chantre de l’amour… Il fait entendre son hymne fier et passionné… À sa voix le Vénusberg s’ouvre devant lui et montre ses mystérieuses merveilles. Des cris de joie sauvage répondent à son chant. Emportées par le délire de l’ivresse, les Bacchantes enlacent Tannhaüser dans leur ronde furieuse et le jettent aux bras de Vénus qui l’entraîne dans les profondeurs inaccessibles de l’empire du Néant. La troupe sauvage disparaît et la tempête s’apaise brusquement. Un bruit léger et plaintif continue pourtant à planer dans l’espace… — Mais déjà l’aube blanchit l’horizon. Dans le lointain, on entend s’éveiller la mélodie du cantique. À mesure que les voix se rapprochent et que la clarté du jour fait reculer les ténèbres de la nuit, les vibrations aériennes, qui ressemblaient tout-à-l’heure à la douloureuse lamentation des damnés, prennent peu à peu l’accent de la joie. Lorsque, enfin, le soleil surgit et que le cantique des pélerins s’élève comme un chant

de délivrance, elles se répandent en nappes sonores, où l’on sent vibrer le ravissement de l’enthousiasme. C’est l’hymne du Vénusberg, racheté de l’antique malédiction, qui s’enlace au cantique divin lui-même. Ainsi toutes les forces de la vie entonnent le chant de la rédemption, et les deux éléments jusqu’ici séparés, l’esprit et la matière, Dieu et la Nature, s’embrassent et s’unissent dans le baiser sacré de l’amour[2],

Un des prochains numéros de la REVUE MUSICALE DE LYON sera entièrement consacré à une étude du Dr Edmond Locard sur le CRÉPUSCULE DES DIEUX.

Chronique Lyonnaise

grand-théâtre


La Fille du Régiment. — Le Chalet

Il est permis d’être éclectique. L’absence de tout exclusivisme est inscrit au programme de notre Revue. Mais il y a des bornes, et la Fille du Régiment se trouve nettement en dehors de celles-ci. Il est de toute évidence que Donizetti est un criminel, qui a commis plus de mauvaise musique qu’il n’était nécessaire pour le faire exécrer de tous les honnêtes gens, mais il n’y a rien dans toute son œuvre qui approche, en hideur, en bêtise, en stupide nullité, de l’abominable opérette dont on a régalé nos oreilles jeudi dernier. Offenbach a de l’esprit, Hervé a des drôleries, Lecoq a de la verve, Varney a des rythmes berceurs, Audran lui-même a parfois d’heureuses veines mélodiques, Donizetti n’a rien de tout cela : Il n’est que prétentieux et exaspérant. L’ouverture de la Fille du Régiment est plus inepte à elle seule que tous les chœurs de la Juive additionnés. Après cela on ne peut plus rien dire. C’est le maximum de l’injure.

Dans ce fumier, il y a cependant une perle, au moins comparativement. C’est la phrase de cor anglais qui souligne les adieux de

Marie. Je ne sais pas de qui elle est, mais je
  1. V. le No4 (10 nov. 1903).
  2. Gesammelte Sebriften t. iv.