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à profit merveilleusement ; malgré les longueurs du livret dont l’auteur l’Abbé Varesco, Chapelain de l’Archevêque de Salzbourg, ne voulait rien retrancher, l’œuvre, commencée en novembre 1780, était finie aux deux tiers pour le premier décembre suivant, et le 29 janvier 1781, on la représentait à Munich, au nouveau théâtre de la Cour. Le public accueillit avec enthousiasme cette pièce qui, cependant ne manquait pas de nouveauté. Dans Idoménée, ce n’est pas seulement la première grande œuvre scénique de Mozart qu’il faut considérer, mais on doit encore se souvenir que de ce Dramma per musica date l’ère de ce qu’on appelle l’opéra classique. Ici, en effet, la structure générale s’en trouve fixée, les formes en sont arrêtées, l’orchestre définitivement établi. En même temps que le début, c’est l’apparition d’un genre nouveau. Mozart l’inaugure avec toutes les ressources de son style. Sa richesse, sa grâce et sa clarté y règnent avec splendeur. Par dessus tout, on y reconnaît déjà ce privilège caractéristique en vertu duquel chez lui la musique peut primer le drame sans que la vérité de l’œuvre en souffre. Ce don est unique ; un enchantement substitue pour ainsi dire à l’action exposée dans le livret une autre action purement musicale, où non seulement les personnages de la tragédie reçoivent des caractères fortement dessinés et fidèles constamment à eux-mêmes, mais où l’on entrevoit comme de nouveaux personnages, fantômes sonores des premiers, vives expressions de leurs sentiments et de leur personne qui circulent autour d’eux, ombres séparées de leurs corps, voix qui dialoguent à part, images, échos ou reflets de leurs gestes, de leurs paroles et de leur figure. Et cette fantasmagorie est lumineuse. Dans quelle atmosphère limpide s’agitent, se poursuivent et se rejoignent les héros multiples de la scène et de l’orchestre ! Grâce à la transparence de l’écriture, nul détail élégant ne se perd, nulle intention expressive ne reste vaine. Mozart conduit ainsi l’auditeur où il veut et comme il veut. Certains chœurs ont toute l’énergie et les accompagnements, de certains airs toute la délicatesse. La voix de Neptune, qui sort de la statue du dieu juste à temps pour sauver la victime destinée au sacrifice par le Jephté crétois est annoncée par les instruments de cuivre comme le sera, dans une première version, la sentence terrible de Don Juan, proférée par la statue du Commandeur. Enfin, quand le maître ne songe qu’à sa musique, quand il oublie la pièce et reste sans visions, quand libre d’émotion, il laisse sommeiller cette puissante volonté d’émouvoir, et rend le spectateur à lui-même, il l’abandonne du moins au charme d’un rêve où flottent en cadence des formes exquises.

GEORGES MARTY

Âgé de quarante ans à peine, M. Georges Marty fut élu par ses pairs, chef d’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire : cet éminent artiste a été en 1901-1902, chef d’orchestre au théâtre de l’Opéra-Comique et est professeur de la classe d’ensemble vocal au Conservatoire national de musique.

M. Georges Marty est né à Paris, le 16 mai 1860 ; il entra à douze ans au Conservatoire et obtint les premiers prix de solfège et d’harmonie ; en 1882, il remporta le grand prix de Rome avec sa cantate Edith.

Il voyagea alors en Italie, en Sicile, en Allemagne et en Tunisie ; il envoya de Rome de nombreuses compositions, entre autres, Merlin enchanté, poème dramatique ; une Suite d’orchestre sur les Saisons ; l’ouverture de Balthazar, etc.

En 1890, il fut chef des chœurs au Théâtre Lyrique (direction Verdhurt) et y monta Samson et Dalida et la Jolie Fille de Perth.

Il passa ensuite à l’Hippodrome, engagé spécialement pour les chœurs de Néron, de Lalo ; et fit partie des grandes auditions musicales de France organisées par la comtesse