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1re Année
No18
Mercredi 17 Février 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mardi de chaque Semaine, du 20 Octobre au 20 Avril

Léon VALLAS
Directeur-Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI

CÉSAR FRANCK

(Suite)
iii
L’Éducateur

César Franck fut pour toute la génération qui eut le bonheur de se nourrir de ses sains et solides principes non point seulement un éducateur clairvoyant et sûr, mais un père, et je ne crains pas de me servir de ce mot pour caractériser celui qui donna le jour à l’école symphonique française, car nous tous, ses élèves ainsi que les artistes qui l’ont approché, nous avons et, d’un accord unanime, quoique non concerté, toujours nommé instinctivement le père Franck.

Tandis que les professeurs des Conservatoires, et spécialement de celui de Paris, où l’on ne s’applique guère qu’à produire des premiers prix, obtiennent pour résultat de faire de leurs élèves des rivaux qui deviennent souvent par la suite des ennemis, le père Franck, lui, s’ingéniait à faire des artistes vraiment dignes de ce beau et libre nom ; une telle atmosphère d’amour rayonnait autour de lui que ses élèves, non seulement l’aimaient comme un père, mais encore s’aimaient les uns les autres en lui et par lui. Et depuis bientôt treize ans que le bon maître n’est plus là, sa bienfaisante influence s’est perpétuée en sorte que ses disciplines sont restés intimement unis sans qu’aucun nuage soit venu altérer leurs amicales relations.

Mais aussi, quel admirable professeur de composition fut César Franck ! Quelle sincérité, quelle intégrité, quelle conscience il apportait à l’examen des esquisses que nous lui présentions ! Impitoyable pour les vices de construction, il mettait sans hésitation le doigt sur la plaie et lorsqu’il en arrivait, dans sa correction, aux passages que nous considérions nous-mêmes comme douteux, bien que nous n’eussions gardé de le prévenir, instantanément sa large bouche devenant sérieuse, son front se plissait, son attitude exprimait la souffrance et, après avoir joué deux ou trois fois le passage au piano, il nous regardait alors en laissant échapper le fatal : « Je n’aime pas ! » Mais quand par hasard nous avions trouvé dans nos balbutiements quelque harmonie neuve et logiquement amenée, quelque essai de forme intéressant, alors, souriant et satisfait, il se penchait vers nous en murmurant : « J’aime ! J’aime ! » et il était aussi heureux de nous donner cette appro-