Page:Revue Musicale de Lyon 1904-04-06.pdf/2

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
revue musicale de lyon

leur communion, devaient sortir un jour des flots d’harmonie[1].

Les premières exécutions que dirigea Bordes à Saint-Gervais, n’eurent rien de palestrinien et furent données seulement pour attirer l’attention des dilettante sur la vieille église. Exécution de la messe de Franck, puis première audition, à Paris, de l’œuvre posthume de Robert Schumann, avec soli, chœurs et orchestre ; exécution de la deuxième Béatitude de C. Franck et du Cantique de l’Avent, de Schumann, œuvres admirables et toutes deux jouées pour la première fois, à Paris ; exécution de la messe en mi bémol de Schubert, enfin, exécution à deux chœurs, sur les deux tribunes du transept, du Stabat, de Palestrina et du Miserere d’Allegri (Jeudi-Saint de 1891).

La Semaine Sainte de 1892 contribua beaucoup à établir la réputation des exécutions de Saint-Gervais et permit la création de la Société des Chanteurs de Saint-Gervais, fondée aussitôt ; en effet, quelques jours après Pâques, Charles Bordes ayant profité de la paye des chanteurs pour leur demander avant qu’ils ne fussent dispersés, s’ils consentiraient à se grouper en Société d’exécution, dans le but de chanter l’immortelle musique des maîtres du xvie siècle…, sur les soixante à quatre-vingt chanteurs qui avaient pris part à la Semaine Sainte, vingt-quatre acceptèrent. Malgré les offres de Charles Bordes, de dépenser en cachets les quelques mille francs qu’avait donnés la Semaine Sainte, les chanteurs travaillèrent toujours avec un rare désintéressement, et la somme ne fut distribuée qu’en indemnités d’exécutions. (De cette époque date l’Anthologie des Maîtres religieux primitifs, qui renferme actuellement plus de vingt messes). Des statuts définitifs furent établis donnant à Charles Bordes le titre de président-directeur-fondateur pour vingt années.

L’hiver de 1893-94 vit éclore les premières grandes exécutions publiques et laïques, pour lesquelles se joignirent à Charles Bordes deux artistes de valeur : M. Eugène d’Harcourt, homme énergique et d’initiative, fondateur des concerts éclectiques de la rue Rochechouart, et M. Alex. Guilmant, organiste au Trocadéro.

En janvier et février 1894 fut inaugurée avec un immense succès, la première série annuelle de Cantates d’Église de Jean-Sébastien Bach. C’est alors que la situation des Chanteurs de Saint-Gervais solidement établie, en tant que Société d’exécution artistique, Charles Bordes songea à développer en province l’action qu’il avait entreprise. Dans ce but, il conçut la création d’une Société réunissant les bonnes volontés, malgré les maîtrises parisiennes qui, toutes, à de rares exceptions près, étaient hostiles, et d’un journal qui servirait de trait d’union entre ses membres et irait porter au loin la bonne parole. Trois hommes éminents vinrent en aide au dévoué Bordes : Guilmant, Vincent d’Indy et Bourgault-Ducoudray. Et telle fut l’origine de la Schola Cantorum, fondée pour encourager l’exécution du plain-chant, selon la tradition grégorienne ; la remise en honneur de la musique palestrinienne ; la création d’une musique religieuse moderne ; l’amélioration du répertoire des organistes, et de son Bulletin mensuel, La Tribune de Saint-Gervais, d’où je tire la plupart de ces renseignements.

Le titre Schola Cantorum, proposé par Charles Bordes, avait réuni immédiatement tous les suffrages, bien que choisi un peu hâtivement, car il ne semble pas embrasser toutes les branches susceptibles de se développer, dans une Société comme celle qui allait se fonder. Et, de fait, la nouvelle école ne fut pas seulement une

  1. La Tribune de Saint-Gervais : Dix années d’action musicale religieuse (6e année, 3 et suivants). En brochure, à l’Édition Mutuelle de la Schola.