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Page:Revue Musicale de Lyon 1904-05-22.pdf/1

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1re Année
No29
Dimanche 22 Mai 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mardi de chaque Semaine, du 20 Octobre au 20 Avril

Léon VALLAS
Directeur — Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI.

Le prochain numéro de la Revue Musicale de Lyon — le dernier de la saison — paraîtra le Dimanche 5 Juin.

LIEDER FRANÇAIS

Charles KŒCHLIN

(suite)

La Nuit rappelle — par sa structure adroite et le contour de sa mélodie — la manière de Massenet, qui fut d’ailleurs un des maîtres de M. Kœchlin, un maître dont vous connaissez, comme moi, le talent merveilleux et le fini du « métier ». Ne croyez pas toutefois que, si l’influence du délicieux peintre d’éventails, qu’est l’auteur de Manon, se fait sentir dans plusieurs des mélodies, qui composent la première œuvre importante de M. Kœchlin, il y ait matière à accuser ce dernier de plagiat ou d’impuissance.

Vous vous tromperiez cruellement, car de nombreux et exquis détails, qu’au passage je tâcherai de vous signaler, sont prêts, champions bardés de doubles ou triples croches, à proclamer, en arpèges étincelants ou en subtiles modulations, l’originalité d’un élève, qui pourrait en remontrer à certains maîtres, sur la question de personnalité.

Nous bénissons la douce Nuit,
Dont le frais baiser nous délivre !
Sous son aile, on se sent vivre,
Sans inquiétude et sans bruit.

Admirable traductrice de la pensée du poète, la mélodie se fait infiniment douce ; à peine perçoit-on le soupir léger de l’accompagnement ; peu à peu, toutefois, semble monter, des parfums nocturnes, une crainte, brise matinale, annonciatrice du jour maussade et de ses soucis. Mais l’alerte est fausse ; un trémolo nerveux, une vigoureuse basse s’unissent, pour clamer la limpidité éclatante du ciel :

Un flot d’astres frissonne et lui !
Nous bénissons la douce Nuit !

Et seul, pâmé, lointain, l’accompagnement redit, en écho :

La douce Nuit… la douce Nuit…

La chanson, monotone dans son crépitement, d’une élégante bouilloire… C’est Le Thé :

Miss Ellen, versez-moi le thé !

Ah ! le délicieux accompagnement, et comme il ponctue à merveille, l’invitation souriante et babillarde :