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qui refusent de fonctionner pour engloutir des fragments de décors récalcitrants ; et du palais enchanté de Brunehilde qui s’ouvre avant que Sigurd ait achevé de mettre en déroute Elfes, Kobolds et autres « esprits invisibles ». Un spectateur affirma même très haut que « c’est bien plus amusant que le Guignol du passage de l’Argue ! » et la représentation fut interrompue pendant quelques minutes par les lazzis variés de nos compatriotes spirituels et bons enfants.

Et la mis en scène, manifestement grotesque en ce deuxième acte, fut également, encore que de façon plus discrète, incohérente au premier acte. Je ne veux pas remarquer tous les détails qui dénotent chez le régisseur une pauvre mentalité et une ignorance parfaite de son métier, mais comment ne pas relever le ridicule de la disposition en rond des servantes du roi Gunther, « brodant des étendards et préparant des armes », se levant toutes brusquement pour apporter à Hilda, dont elles n’ont pas écouté les plaintes, leurs banales consolations sur un rythme charmant de valse lente ; l’entrée des guerriers porte-torches, Lucifers peu disciplinés et obéissant mal aux ordre hurlés par le régisseur ; les fantaisies de l’électricien inondant de lumière les premiers plans que rien n’éclaire et laissant dans l’obscurité complète le fond de la scène où brûlent pourtant des torches de résine ; les distractions des jeunes femmes, pages anachroniques, chargées de « verser l’hydromel à la ronde », qui oublient de faire leur service si peu compliqué ; la double vue des choristes saluant Hilda et détaillant ses charmes alors que celle-ci est encore dans la coulisse, bien loin de leurs regards… Je m’arrête car il n’y a pas un acte où l’on ne puisse relever dix absurdités de mise en scène.

Deux bonnes choses dans cette soirée pitoyable : l’orchestre fermement conduit par M. Flon, et le ballet que règle toujours avec soin M. Soyer de Tondeur.

Faust

Dans sa chronique théâtrale du Lyon Républicain, notre distingué confrère Raoul Cinoh qu’on ne saurait accuser de parti-pris contre la direction du théâtre, apprécie en ces termes la reprise de Faust faite le jour de la Toussaint :

« Choisir un jour de fête, la veille des Morts, pour donner une première où doivent débuter plusieurs artistes nouveaux, c’est évidemment vouloir enlever à la soirée toute sa portée, toute sa signification, et l’enterrer de façon clandestine.

« Mais ce n’est pas tout, car on marche depuis quelques jours de surprise en surprise au Grand-Théâtre, M. Soubeyran devait faire son second début dans Faust ; il était affiché ; or, sans prévenir le public par une bande à la porte du théâtre ou par une annonce avant le lever du rideau — ce qu’exigeait le souci des moindres convenance — M. Soubeyran a été remplacé par M. Abonil.

« Était-ce au tour de M. Soubeyran d’être indisposé ? Si oui, pourquoi ne pas l’avoir annoncé, avant, comme on l’a annoncé, après pour M. Abonil, dans Sigurd ? Est-ce que, par hasard, les salles populaires ne mériteraient pas les mêmes égards que le monde aristocratique des premières représentations ? Tous les publics ne sont-ils pas égaux devant la rampe ? Telle est la question que nous avons posée souvent, et nous ne sommes pas encore fixés.

« Ce n’était donc pas une première, et dans ces conditions, nous serions mal venu d’ajouter au spectacle plus d’importance que le directeur lui-même. Imitons les soldats de Valentin et déposons les armes, pas avant toutefois d’avoir constaté que l’ensemble de la soirée fut des plus ternes, et souvent pire… »

Nous nous associons entièrement à la protestation de notre confrère contre les procédés de la direction du Grand-Théâtre.

Disons seulement, à titre de compte rendu, que M. Abonil fit preuve d’une inexpérience et d’une incertitude vocale notables, que Mlle Claessen fut très correcte en Marguerite, dont le personnage ne lui convient guère, que M. Roosen fut très intéressant en Valentin que M. Lequien (Méphisto), M. Van Laer (Wagner) et Mlle de Véry (Siebel) furent suffisants et que la mise en scène fut d’une incohérence lamentable.

Léon Vallas

LES CONCERTS

Concert Mueller

Nous publierons la semaine prochaine le compte rendu de l’intéressant récital donné vendredi soir par Mme Mueller.