Page:Revue Musicale de Lyon 1904-11-27.pdf/2

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
revue musicale de lyon

d’une longue et laborieuse recherche. Sans parler de l’hymne final de la Symphonie avec chœurs qui le hanta pendant onze ans avant qu’il se décidât à l’écrire, je puis citer comme preuve de cette assertion le rondo de l’œuvre 53 (Sonate en ut, connue sous le sobriquet de l’Aurore), dont le thème naïf et pastoral nous paraît avoir jailli spontanément du cerveau du maître ; il n’en est rien cependant, les six esquisses très différentes rythmiquement et mélodieusement de la version définitive que l’on a retrouvées dans les brouillons de Beethoven, en font foi.

À partir de 1802, la méthode beethovénienne n’a déjà presque plus rien de commun avec l’élégante phrase d’Haydn ou la strophe métrique de Mozart. Quel courant faut-il donc remonter pour trouver la source de cette nouvelle mélodie, à quelles influences, peut-être ignorées de Beethoven lui même, faut-il en attribuer l’éclosion ? Incontestablement aux élèves et successeurs du vieux Bach.

En effet, chez les deux musiciens qui font l’objet de cette étude, non seulement on rencontre nombre d’idées musicales se prêtant à une interprétation humainement dramatique que ne réclament jamais les mélodies du maître de Salzbourg ou celle du Capellmeister attitré des princes Estherazy mais, ce qui surprend davantage, on trouve des dessins mélodiques et mêmes périodes rappelant, ou, plus exactement, présageant de façon stupéfiante certaines phrases de Beethoven, et non des moins célèbres.

C’est ainsi que nous reconnaissons dans la première page (je ne puis dire : dans les premières mesures, ces pièces étant écrites en rythme libre, sans barres de mesure) de la Fantaisie en mi d’Emmanuel Bach, faisant partie du quatrième livre de Sonates pour les connaisseurs, tout le beau portique initial du cinquième Concerto pour piano de Beethoven, également en mi , œuvre 73.

Le second thème de la Sonate wurtembergeoise en la du même est bien proche parent de celui du final de la célèbre Sonate, œuvre 27, no  2 (dénommée, on ne sait trop pourquoi, par le critico-pianiste Rellstab : Sonate au clair de lune).

Dans l’andante de cette même sonate d’Emmanuel Bach, on rencontre une réminiscence avant la lettre de la phrase plaintive dont Beethoven en fit l’un des principaux thèmes de son œuvres : Les Adieux, l’Absence et le Retour.

Chez Rust, cette parité du contour mélodique devient si frappante que des biographes peut-être trop zélés ont pris texte de la rencontre à Vienne du fils de Rust, Wilhelm-Karl, avec Beethoven pour taxer celui-ci de quasi-plagiat, système trop fréquemment employé de nos jours par certains critiques en mal de copie qui s"ingénient à dénicher partout la fameuse réminiscence wagnérienne ! Pour nous qu’on nous permette de penser que de pareilles coïncidences sont toutes fortuites et dues seulement à la marche et au développement naturel de l’art.

Il n’en est pas moins vrai que, dans l’œuvre de Rust, on se heurte à chaque pas, à l’esprit, souvent même à la lettre, beethovéniens.

Dans une pièce inédite pour deux violons, c’est note pour note la seconde idée de l’ouverture de Coriolan.

Dans la sonate pour violon en sol (1791) c’est tout le commencement, et dans le même ton (ré majeur) du beau thème d’adagio du trio à l’archiduc Rodolphe, œuvre 97, qui date de 1811.

Le menuet de la Sonate pour piano en fa mineur, de Rust (1784), est presque identiquement le thème de l’andante favori en fa, qui fut un instant celui du deuxième mouvement de la Sonate œuvre 53 (l’Aurore) composée par Beethoven dans l’année 1805.