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À ces personnes, Beethoven a acquis le droit de répondre : C’est moi ! »

C’est sur ce mot que je terminerai, espérant avoir fait naître en votre esprit un doute sur le bien-fondé du cliché : filiation Haydn, Mozart, Beethoven, et vous avoir suggéré le désir de connaître les œuvres des deux grands précurseurs que furent Wilhelm Rust et Charles-Philippe-Emmanuel Bach.

Vincent d’Indy.

La Suite Instrumentale

(suite et fin)

La Suite fut détrônée par la Sonate. On sait que Philippe-Emmanuel Bach était destiné au Droit par son père, et que, pour cette raison, on lui laissa faire en musique ce qu’il voulait. Il abandonna l’écriture à parties obligées, pour se servir du style « galant » ; il renonça aux formes en usage, fugues, suites, et fixa la forme-sonate. La musique, d’un fait domestique, avait changé de direction.

Mais si la Suite disparaît presque totalement, elle n’en est pas moins l’origine de la forme symphonique, (Sonate, symphonie, trio, quatuor, etc.) Elle a donc eu, sans parler des chefs d’œuvres qu’elle a manifestés, une importance capitale, bien plus que la fugue qui n’a pas évolué.

La Suite a influé sur l’évolution des formes musicales modernes, soit par son plan général, soit par la forme des morceaux qui la composent : nous allons examiner successivement ces deux points.

Du plan général de la Suite est né le plan de la Sonate et des autres formes symphoniques. Voyons, pour comprendre ce fait d’évolution, l’op. 5 de Corelli : douze sonates pour violon et basse. Les numéros que l’on trouvera après l’indication de la tonalité de chaque sonate correspondent à ceux de l’édition Novello de Londres.

La Sonate dite « Follia » (xii comprend l’exposé d’un thème et quatorze variations. Ce titre de Sonate est-il bien authentique ? Le mot sonate n’ayant primitivement d’autre sens que celui qui lui vient de « suonare » par opposition à « cantare » d’où est venu Cantate, peut s’appliquer et s’est appliqué en fait à toute pièce instrumentale quelle que soit sa forme et sa destination.

Sonate en mi (viii). Prélude. Allemande. Sarabande. Gigue.

Sonate en fa (x). Prélude. Allemande. Sarabande. Gavotte. Gigue.

Sonate en (vii). Prélude. Corrente. Sarabande. Gavotte. Gigue.

Ces trois œuvres ne sont que des suites.

Sonate en la (ix). Largo. Gigue. Adagio. (huit mesures), tempo di gavotte.

C’est bien encore une suite mais déjà les pièces n’en sont plus les mêmes et exposées dans un ordre différent. La gavotte est reliée à la gigue par huit mesures d’adagio.

Sonate (xi). Prélude. Allegro molto. Adagio. Vivace. Gavotte.

Malgré la gavotte qui termine, ce n’est plus une suite du tout. Et encore l’allegro molto est-il composé comme une allemande, la vivace comme un menuet, l’adagio est plus important déjà qu’à la sonate ix. En vérité, les parties constitutives de la Sonate moderne sont là quoique à l’état embryonnaire.

Sonate en sol (v). Adagio. Vivace. Adagio. Vivace. Gigue.

Sonate en si bémol (ii). Grave. Fuga allegro. Vivace. Adagio. Vivace.

Le vivace de cette dernière sonate a exactement la même importance constitutive dans le plan général que le scherzo