LA RELIGION DE CHATEAUBRIAND
Sainte-Beuve définissait Chateaubriand : « un Epicurien qui a l’imagination catholique[1] ». M. Georges Bertrin a pensé confondre le célèbre dénicheur de grands hommes, en le prenant en flagrant délit de fabrication de textes ~. L’événement a justifié Sainte-Beuve sur ce point, en faisant découvrir, dans un manuscrit des Mémoires d’Outre-Tombe, le passage qu’il avait cité et que Chateaubriand a cru devoir supprimer de certains autres manuscrits. Quels que soient nos sentiments à l’égard des deux écrivains, nous devons rendre justice à l’un et à l’autre. Est-il vrai d’abord que Sainte-Beuve ait contesté la sincérité religieuse de Chateaubriand ? « Qu’il nous suffise, dit-iP, d’avoir reconnu et, en quelque sorte, surpris sa sincérité, là seulement où nous avons le droit de l’interroger et de l’atteindre, — sa sincérité’, je ne dis pas de ’O'
2. Le Correspondant du 10 mars 1900, p. 914 : Un problème d’histoire
littéraire à propos de Chateaubriand ; Sainte-Beuve est-il un faussaire ?
L’article de M. Beï’trin est composé de deux parties, de deux
argumentations distinctes — et successives. 1" (pages 915 à 939). Le texte cité par S.-B. est introuvable dans les éditions et dans les mss. des Mémoires d’O.-ï. Donc S.-B., du reste coutumier de supercheries littéraires, a inventé de toutes pièces cette confidence, pour dénaturer les sentiments de Chateaubriand. — 2° (p. 939 à 945). Le texte est enfin découvert dans le manuscrit Champion ; mais la citation de S.-B. renferme des variantes dont M. Bertrin grossit l’importance pour laisser sa question douteuse. Elle ne l’est plus pour le lecteur. Les variantes, quelle qu’en soit l’origine, ne changent nullement le sens du passage ; elles appuient le trait, sans altérer le dessin de la pensée. L’aveu de Chateaubriand existe. Mais il n’était pas, on va le voir, indispensable pour pénétrer dans l’àme du poète. 3. Causeries du Lundi, t. II, p. 88.
Reviit d’Histoire et de Littérature religieuses. — VI. N» 1. '
- ↑ Causeries du Lundi, t. II, p. 145.
