Page:Revue d’économie politique, 1887.djvu/20

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aurait pour conséquence de créer une science officielle conforme à la législation du moment. Dans un pays protectionniste, évidemment les professeurs de l’État ne seraient pas libres d’enseigner la liberté commerciale. On ne conçoit pas que l’État enseigne dans une chaire que celui qui prête à plus de cinq pour cent commet un délit punissable de l’amende et de la prison, et dans une autre chaire que cet acte est conforme à la morale et à l’intérêt. Ce qu’il faut à toutes les sciences, à l’économie politique surtout, c’est la liberté de discussion et d’enseignement. D’ailleurs, l’enseignement oral n’a plus la puissance qu’il avait autrefois ; depuis la vulgarisation de l’imprimerie, le livre, la revue, le journal ont mille fois plus de lecteurs que les chaires officielles n’auraient d’auditeurs. Il ne faut pas repousser le concours de la parole, mais il est bien moins puissant que la presse.

À cela les économistes répondaient que les professeurs d’économie politique avaient joui, en fait, de la plus grande liberté, et n’avaient nullement été empêchés d’enseigner la liberté commerciale et la liberté du taux de l’intérêt. Sans doute, si l’enseignement se répandait dans les divers établissements de l’État, il faudrait des programmes, mais les programmes ont simplement pour but d’indiquer quelles matières le professeur doit traiter, et non de quelle manière on doit les traiter. Un professeur qui sait son métier, et à la condition qu’il se tienne sur le terrain scientifique, peut tout dire. Le danger d’une doctrine officielle sera d’autant moins à craindre que les professeurs seront plus nombreux. À tout prendre, d’ailleurs, les administrations ont généralement été plus libérales en matière économique que l’opinion et les partis politiques de toute nuance. Enfin, concluait notamment Joseph Garnier avec infiniment de raison, si le Gouvernement n’enseignait rien, il ne nous conviendrait pas de lui demander qu’il eût à enseigner l’économie politique ; mais puisqu’il enseigne tout, qu’il a des écoles de tous les degrés, primaires, secondaires, supérieures, nous trouverions bon qu’il fit aussi enseigner l’économie politique[1].

Je n’ai pas à examiner ici la question de savoir si l’enseignement rentre dans les fonctions de l’État. Des économistes très

  1. Voir, dans le Journal des économistes, livraisons de septembre et de novembre 1863, les discussions à la Société d’économie politique.