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Page:Revue d’économie politique, 1887.djvu/37

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Quant aux motifs des deux jugements si contraires dont je viens de reproduire le dispositif, je serai bref. Ce n’est point ici le lieu de s’engager à fond dans une polémique qui me mènerait trop loin. La bienveillance n’exclut pas la justice ; et l’appréciation bienveillante de M. Baudrillart contient des réserves auxquelles j’adhère plus ou moins complètement, notamment sur la notion même de la science, sur l’épargne, sur la rente, sur la liberté commerciale, et plus généralement sur l’intervention de l’État dans l’ordre économique. Parmi les critiques adressées par M. Courcelle-Seneuil aux deux ouvrages dont il a rendu compte, il y en a sans doute de fondées. Mais il en est qui reposent sur des subtilités tout au plus dignes d’un jurisconsulte ; quelques-unes me paraissent dépourvues de tout fondement sérieux. Je les relève principalement dans le compte-rendu du livre de M. Villey.

M. Courcelle-Seneuil ne veut pas entendre parler de ce qu’il appelle « le postulat d’un droit naturel défini. » Il ne voit que des « artifices de langage » dans la distinction entre le droit naturel ou idéal et le droit positif ou législation, et cela parce que chaque école a un droit idéal différent. Il me semble avoir montré plus haut que M. Courcelle-Seneuil n’est pas si opposé que cela à cette distinction. Elle correspond d’ailleurs à la distinction qu’il a établie entre la science économique pure et les applications : le droit positif, les diverses législations ne sont que des applications plus ou moins heureuses des principes du droit.

M. Courcelle-Seneuil ne veut pas qu’on parle de trois facteurs de la richesse : la nature, le travail et le capital. Ce serait là une métonymie bien dangereuse, dit-il. Il n’y aurait, semble-t-il, qu’à substituer au mot facteur le mot élément. Mais là n’est pas le grand mal : « Pourquoi employer cette déplorable locution de capital, dont on a tant abusé ? » Ici qu’on me permette d’opposer M. Courcelle à lui-même : « Le capital est un élément essentiel de la production… Quelle peuplade sauvage n’a ni aliments accumulés, ni vêtements, ni armes, ni instruments de travail ?… Tous les besoins de la société sont satisfaits au moyen d’un capital plus ou moins ancien, et le but de la production actuelle est de réparer les brèches que fait incessamment à ce capital la consommation quotidienne… L’idée de produire sans capital ne soutient pas le plus léger examen. Il faut posséder des instruments de travail, les matières sur lesquelles l’industrie