Page:Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales, 1908, 3.djvu/10

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honnêtes gens et ébranle les méchants. Cette loi, il n’est pas possible de la modifier, ni d’y apporter des dérogations, ni de l’abroger entièrement. Ni le Sénat ni le Peuple ne peuvent nous dispenser de ses prescriptions. Elle n’a besoin ni de commentateur ni d’interprète. Elle n’est pas différente à Rome et à Athènes ; elle ne sera pas demain différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Loi une, éternelle, immuable, elle embrasse toutes les nations et tous les temps. C’est Dieu, qui est en quelque sorte le seul Maître et Souverain de tous les hommes, qui l’a inventée, discutée et édictée ; l’homme qui ne lui obéit pas se dépouille de sa propre essence, il méprise sa propre nature…[1] » Ajoutons enfin que, dans l’école moderne du droit naturel, celui-ci fut toujours considéré comme ayant un objet individualiste : le bonheur de l’individu ; la société fut envisagée comme un moyen, non comme une fin.

Par contre, le créateur de la Physiocratie se trouvait en présence de toutes sortes de dissidences et d’incertitudes sur nombre de questions cependant essentielles. D’où dérive le : caractère obligatoire du droit naturel ? Quelles sanctions comporte-t-il ? Comment l’homme en prend-il connaissance ? A-t-il sa source dans l’état de nature ou dans l’état de société ? Nous prescrit-il l’égoïsme ou l’altruisme comme règle primordiale ?

III. Fondement du caractère obligatoire du Droit naturel. — Suivant Selden[2] et Hobbes[3], le droit naturel est obligatoire : 1o parce que la raison qui nous le révèle est le moyen dont Dieu se sert pour nous faire connaître sa volonté ; 2o parce que ses préceptes se trouvent consignés dans des textes sacrés qui sont pour Hobbes les Livres Saints et pour Selden les écrits d’une école de rabbins dénommés les Noachides dépositaire, suivant une tradition juive, de la loi naturelle confiée par Dieu à Noé et à ses descendants.

Ces deux auteurs appartenant au XVIIe siècle exceptés, tous

  1. Cicéron, De republica, L. III, xxiie siècle, (Collect. Nisard, Œuvres de Cicéron, T. IV, p. 329).
  2. Selden, De jure naturali et gentium, (1636-1640) L. I. Ch . VIII . (Edit. Argentorati, 1665, p. 93 et s.).
  3. Hobbes, De Cive, (1642), Libertas, ch. III, (Edit. Opera, 1668, p. 27) et ch. IV, § 1 (même edit. p. 28) ; — Leviathan (1654), ch. XV, edit. Waller, 1904, p. 109-110,