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Page:Revue de Belgique, série 2, volumes 58-59, 1910.djvu/437

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L’ART DE CRÉER DES MONSTRES

Ne vous attendez pas, ô lecteur, à me voir étaler sous vos yeux le désolant spectacle de ces êtres mort-nés, de ces larves humaines que l’on dirait conçues par la nature dans une crise de folie. Tel n’est pas mon projet : vous auriez tôt fait, je le crains, d’en détourner la vue. Je ne veux pas davantage vous décrire ces animaux étranges, représentants fossiles d’un passé disparu, dont l’effarante multitude peuplait il y a de cela des millions d’années le ciel, la terre et les eaux. De ces idoles sinistres ou grotesques créées par la crédulité des hommes, du totem australien jusqu’aux divinités mi-bestiales mi-humaines qu’adorait l’ancienne Égypte, je n’entends pas non plus évoquer la malplaisante image. C’est ailleurs aussi que vous devrez chercher, si elle vous intéresse, la figuration du monde surnaturel inventé par le paganisme hellénique, avec ses faunes, ses sirènes, ses cen- taures, ses cyclopes, ses harpies, ses géants aux cent bras, ses dieux à double face. Car tout ceci n’est que fiction. Chères aux poètes, ces divagations stériles resteront à jamais lettre morte pour les biologistes, que seule préoccupe la vraie science de la vie. Les monstres qui feront l’objet de cette étude sont, eux, au contraire, bien réels et bien vivants. Tous, d’autre part, méritent incontestablement ce nom. Tous présentent ces énormes anomalies, ces déviations très apparentes du type qui caractérise la monstruosité. Seulement, vous vous en doutez bien, il y a monstre et