Page:Revue de Genève, tome 2, 1921.djvu/13

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investigations de la police royale ; mais la police royale savait son existence et la recherchait. On parlait couramment, à la Cour, d’une cabale des dévots, et il arrivait même qu’on lui donnât exactement son nom. Pierre Du Four, abbé d’Aulnay, ci-devant curé de Saint-Maclou de Rouen et ancien grand vicaire de l’archevêque, l’avait nettement désignée dans son mémoire contre les confrères de Caen. Il l’avait dénoncée avec une précision terrifiante. Des évêques s’étaient émus contre une organisation occulte qui prétendait gérer derrière eux leurs diocèses. Ils en avaient parlé à Mazarin, et le cardinal s’était montré aussi peu disposé que possible à supporter toutes ces intrigues ourdies dans l’ombre. La Compagnie de Paris, consciente du péril couru, avait averti toutes les Compagnies des provinces par une lettre dont nous possédons le texte :

« Du 10e de septembre 1660, à Paris. — Nous vous donnons avis, pour bien des raisons qui ne se peuvent exprimer, d’être précautionnés plus que jamais dans vos services, du moins jusqu’à nouveau conseil ; changez les jours et les séances, mettez les papiers et les registres en un lieu très sûr et autre que l’ordinaire. Il suffit que les officiers le sachent, ne portez qu’une feuille volante, retardez de quinzaine l’assemblée, peu de dépêches, surséance de correspondance, mais beaucoup de prières et de persévérance, quia tempus visitationis[1]. »

N’est-ce pas à ce moment que Deslions écrit dans son journal, à la date de juillet 1660 : « J’ai su de M. de la Fosse que M. de Bernières (Louvigny) de Caen était le plus spirituel de la Compagnie du Saint-Sacrement qui y est établie et laquelle il m’a dit être toute gouvernée par les jésuites… Je soupçonne ou plutôt je crains que la dévotion de certaines gens qui se mêlent de missions aux infidèles, ne soit encore appuyée sur de semblables principes. » Deslions devinait juste. Nous savons aujourd’hui qu’un même conseil occulte dirigeait les confrères de Caen et fondait le séminaire des missions étrangères. Au moment même où la Compagnie du Saint-Sacrement envoyait sa

  1. L’exemplaire de cette lettre qui a été reçu par la Compagnie de Marseille porte la signature du comte d’Albon.