Page:Revue de Genève, tome 2, 1921.djvu/152

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l’Espagnol Orose, par la voix de l’Africain Saint Augustin, glorifiera, deux siècles après, comme un bienfait de Dieu, ce majestueux internationalisme romain.

Car elle voit, dans cette unité romaine, une première traduction, dans les faits, de cette idée d’unité humaine, que tout le dogme chrétien postule. L’Empire, de la Bretagne à l’Euphrate, réalise la fraternité civique de toute une partie de la famille humaine, de celle qui ne vit pas dans l’état de servitude. Assurément la fraternité chrétienne englobe, elle, les esclaves eux-mêmes, puis, au-delà même des frontières, tous les êtres humains, connus ou inconnus, pour lesquels, jusqu’au dernier, Jésus s’est immolé ; elle pénètre en profondeur jusqu’aux ultimes couches sociales, en largeur jusqu’aux extrémités du monde ; elle est plus ample, plus ambitieuse, plus humaine, plus adéquatement universelle, plus catholique, au sens grec du mot, que l’orgueilleuse unité romaine. Mais telle quelle, cette unité romaine est saluée par l’Eglise comme quelque chose d’auguste, de providentiel, comme l’instrument dont Dieu s’est servi pour aplanir les barrières devant la propagande chrétienne, pour élargir les routes sous les pas de ses apôtres. Rien de commun, d’ailleurs, entre l’internationalisme de l’Empire romain et certains internationalismes futurs ; la Rome des Césars ne prétend pas dissoudre en poussière l’humanité, mais au contraire faire œuvre d’architecte, et créer pour les hommes de toute langue, de toute latitude, des obligations envers une patrie nouvelle : la patrie romaine.

II

Mais un jour, aux portes de l’Empire, la barbarie cogna : elle s’infiltra, d’abord, et puis elle se rua ; et sur les décombres accumulés, des royaumes barbares surgirent. Alors Byzance, quelque temps durant, s’exhiba comme l’héritière de l’internationalisme romain : dupe d’un mot, dupe de ses propres pompes, Byzance ne parvint pas à duper l’humanité. Au-dessus de leur morcellement nouveau, les hommes sentaient survivre l’internationalisme romain ; mais ils en trouvaient la cime, non plus au Palatin, désormais désert, et pas davantage sur le lointain Bosphore ; ils la trouvaient au Latran, demeure du Pape, qui représentait pour eux la paternité de Dieu, et centre de cette Eglise qui, suivant le mot de saint Augustin, en rappelant à tous les hommes leur communauté d’origine, faisait d’eux une fraternité.

Vers le milieu du cinquième siècle, le pape Léon le Grand, célébrant dans sa ville de Rome, dans cette ville qu’il sauva d’Attila, la fête des apôtres Pierre et Paul, apostrophait dans un sermon Rome elle-même, et voici ce qu’il lui disait :

« Ce sont eux, c’est ce Pierre, c’est ce Paul, auxquels tu as dû d’être élevée jusqu’à cette gloire, d’être la nation sainte, le peuple élu, la cité sacerdotale et royale, et de devenir, par le siège sacré