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Page:Revue de Genève, tome 3, 1921.djvu/340

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L’heure est venue. Le malheur bat de l’aile,
Et chaque jour augmente l’offense.
Et le temps viendra où il ne restera pas même de trace
De vos Pœstums, peut-être !

Ô vieux monde ! Avant que tu ne meures,
Pendant que tu languis encore, attaché à ta souffrance,
Arrête-toi, sage comme Œdipe,
Devant le Sphinx et son énigme ancienne !

La Russie est un Sphinx. Heureuse et attristée à la fois,
Et couverte de son sang noir,
Elle regarde, regarde à toi
Avec haine et avec amour !

Oui, aimer comme peut aimer notre sang,
Personne de vous, depuis longtemps, n’en est capable.
Vous avez oublié que dans l’univers il y a l’amour
Qui peut brûler et détruire !

Nous aimons tout — et l’ardeur des froides mathématiques,
Et l’inspiration des visions divines.
Nous comprenons tout — et la subtile raison gauloise,
Et le sombre génie germain.

Nous gardons le souvenir de tout — de l’enfer des rues parisiennes
Et des fraîcheurs de Venise,
De l’arôme lointain des bois de citronniers
Et des masses fumeuses dans Cologne…

Nous aimons la chair, et son goût, et sa couleur,
Et de la chair, l’odeur suffocante et mortelle…
C’est malgré nous s’il craque, votre squelette,
Dans nos pattes si lourdes et si tendres !

Nous sommes habitués à tenir sur le mors
Les étalons trop vifs,
Pour d’un coup briser leur puissante croupe,
Et nous matons les femmes qui désobéissent…