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Page:Revue de Paris, 19è année, Tome 3, Mai-Juin 1912.djvu/685

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Quelques mots, pour terminer, sur cette édition. En ce qui concerne l’orthographe et la ponctuation, après y avoir mûrement réfléchi, nous avons traité le texte comme un texte contemporain, ou, plutôt, comme l’aurait traité le prote si cette œuvre avait paru du vivant de Vigny.

L’orthographe et la ponctuation du manuscrit sont des plus capricieuses. La ponctuation en particulier n’obéit a aucune règle. Elle est complètement asymétrique ; elle pèche le plus souvent par défaut et soudain par excès. C’est la ponctuation d’un penseur plus attentif à l’idée qu’à la forme, et d’un nerveux pour qui la virgule ou le point est un geste de la pensée plutôt qu’un signe logique. Comparez à cela l’impeccable ponctuation de V. Hugo, artiste amusé par les règles techniques usitées en la matière, et, comme le révèlent ses lettres à l’éditeur Lacroix, inventeur dans l’art de jouer des signes et de leur faire rendre le maximum d’effet. On voit à cette seule différence la différence des deux esprits.

Moins irrégulière que sa ponctuation, l’orthographe de Vigny l’est pourtant aussi. Elle est souvent surannée, même pour son époque. Comme tous ses contemporains il écrit toujours poëte, poësie, poëme, avec le tréma qu’il faut peut-être regretter, car il donnait une physionomie particulière à ces beaux mots. Mais il a gardé maintes formes du xviiie siècle, telles que tems, loix, crystal, appercevoir, aggrandir, satyrique, acqueduc, etc. qui déjà de son temps étaient désuètes.

Une particularité de son orthographe, c’est le nombre de majuscules qu’il prodigue aux substantifs communs, dans sa prose plus encore que dans ses vers : habitude d’un esprit qui personnalise les abstractions, et qui n’est pas ennemi d’une certaine pompe.

Pour montrer à quel point le seul caprice du moment gouverne l’orthographe et la ponctuation de Vigny, prenons au hasard un feuillet original, par exemple le feuillet 105 du manuscrit. À la quatrième ligne nous lisons cette phrase que nous reproduisons textuellement : je pensai que Paul avait parlé avec trop d’audace à un homme tel que Libanius et je