Page:Revue de Paris, 19è année, Tome 3, Mai-Juin 1912.djvu/709

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jour du mois de Shébath, j’ai quitté la Perse en ne voyageant que la nuit, et faisant reposer mes serviteurs et mes dromadaires durant tout le jour sous les tentes qui sont établies d’espace en espace par les marchands de toutes les nations. C’est surtout dans la province que l’on nomme la Ceinture de la Reine, et qui paie à cette princesse les plus forts revenus, que j’ai trouvé le plus grand nombre de sources, de rivières et d’ombrages ; mais la Robe de la Reine est un pays plus désert où les habitations sont rares, et le Voile de la Reine, malgré la richesse de ses villes dont les impôts sont aussi consacrés en entier à la parure de la grande reine qui leur donne ces noms, a des plaines si arides et si rudes à traverser que l’on se croit déjà arrivé au désert, et que la nuit même y est aussi étouffante que dans la solitude de Madian[1]. J’ai remonté l’Euphrate comme de coutume, et après vingt-quatre nuits de voyage, tant sur le fleuve que dans le désert, inquiété assez souvent par la vue des Isaures[2] qui dévastent toute la Syrie et dont les cavaliers se montraient sans cesse à l’horizon, je suis entré à Antioche, n’ayant perdu que trois esclaves, et aucune de mes marchandises, ni des étoffes de Perse. J’ai pris à peine quatre jours de repos et de sommeil chez mes frères. J’ai laissé ma suite dans notre maison accoutumée, et, le sixième jour du mois Adar, je me suis disposé à sortir avant le lever du soleil pour me rendre seul et à pied au faubourg de Daphné, selon que je me l’étais promis.

Jusqu’au moment où je résolus de traverser Antioche, j’étais resté enfermé avec mes frères et n’étais même pas monté sur la terrasse pour voir l’état actuel de la ville ; mais ainsi que je te l’écris, le sixième jour, je fus averti qu’un mouvement extraordinaire se faisait au dehors, par les cris que j’entendis et le grand bruit de clairons et de trompettes qui résonnaient

    cultes, etc. L’originalité de la composition est dans la nouvelle interprétation donnée au mot semi-fabuleux : Tu l’emportes, Galiléen. J’aime à le faire dire à Julien comme conclusion de son entretien philosophique, — j’aime à penser que s’il l’a dit, ce qui est fort douteux historiquement, il l’a dit de la sorte. »

  1. Le pays de Madian était situé sur la côte N.-O. de l’Arabie. C’est à Madian que s’était réfugié Moïse auprès de son beau-père Jethro.
  2. L’Isaurie était un petit district de l’Asie Mineure, dans la région du Taurus.