Page:Revue de Paris, 1908, tome 3.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

drapeau blanc : de cœur, l’humble officier ministériel ne s’était jamais rallié à la branche cadette.

Maître Dumont des Pallières prit une enveloppe, en tira un papier :

— Voici la lettre que j’ai reçue de mon client le docteur Lenoël, et qui a motivé l’invitation que je vous ai adressée. De Madère, où il réside actuellement, il me fait part de son projet d’offrir en donation à mademoiselle Kérouall une maison sise à Villeneuve-Saint-Georges, avec jardin, dépendances, et tous objets la garnissant. Il désirerait qu’à titre de faveur y soient maintenus, comme gardiens, monsieur et madame Sorbier, qui, depuis longtemps, y sont domiciliés. Ces deux personnes jouissent d’ailleurs d’une pension provenant d’un legs fait par monsieur Lenoël père, chez qui Sorbier fut domestique… Il sera nécessaire, — dit le notaire interrompant cet exposé, — que je sois nanti de quelques pièces pour la rédaction du contrat. J’aurai besoin de votre acte de naissance et de l’autorisation de vos parents, puisque vraisemblablement vous n’êtes pas majeure.

Ces propos, qu’elle avait écoutés en silence, furent pour Louise un subit éclaircissement. Une lettre venue de Madère, l’avant-veille, lui était restée en partie obscure : « Dans mon chagrin profond, — écrivait Lenoël, — je vous supplie de me donner une marque d’amitié qui me sera infiniment précieuse. Vous en aurez l’occasion, cette semaine, ne la repoussez pas… »

Quand le notaire eut cessé de parler, Louise se leva. Elle était très pâle, mais sa voix demeurait ferme.

— Monsieur, — dit-elle, — je suis reconnaissante au docteur Lenoël de son intention généreuse, mais je ne veux rien accepter. Vous aurez la bonté de l’en informer.

Maître Dumont des Pallières regarda cette jeune fille debout devant lui, et sa figure de vieil oiseau polaire se figea de surprise. Puis il demanda :

— Y a-t-il à ce refus quelque motif que je puisse transmettre à mon client ?

— Dites-lui, monsieur, que cette habitation est bien trop luxueuse pour une personne de ma condition. Dites-lui aussi qu’il est possible que d’ici peu de temps je quitte Paris.

Cette seconde raison de son refus lui était venue subitement.