Page:Revue de Paris, 1908, tome 3.djvu/144

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embrasée se montrait dans une gloire d’apothéose. Et les êtres se découpaient chétifs et dérisoires sur l’or et la pourpre somptueusement tendus à l’occident.

Presque en face de sa maison, elle traversa.

Un coupé stationnait devant la porte. Elle en remarqua la caisse peinte en imitation de jonc et elle se souvint de la voiture toute pareille dont se servait jadis Fernand Epstein. Un homme en descendit. Il était grand et pâle, avec des moustaches si claires qu’elles semblaient blanches, et sa mise avait cette élégance négligée que l’on voit aux gens riches. Il fit quelques pas, s’avança tout contre elle, et la regarda avec une attention minutieuse.

Elle, inquiète, se disait :

« Qu’y a-t-il, que va-t-il arriver encore ?… »

Mais rien n’arriva. La jeune fille entendit ce personnage remonter en voiture, refermer la portière et s’éloigner.

Elle s’enfonça sous la voûte de la porte cochère. Dehors, les dernières flammes teignaient d’orange les pierres de la façade et, dans l’ombre où elle pénétra, elle sentit tout à coup la fraîcheur, la nuit d’un caveau. Et cette impression lui fut bienfaisante…

Le lendemain matin, Rosalie présentait une carte :. « William Smith, Esquire. »

— Ce monsieur dit que mademoiselle le connaît et le recevra.

Car, depuis peu, il venait sans cesse des gens que l’on avait tous éconduits. ;

William Smith, Louise se le rappelait bien, c’était le secrétaire du comte Kowieski. Peut-être lui dirait-il que la Nymphe partait pour l’étranger. Elle le fit introduire.

William Smith, Esquire, avait des yeux de jais, les cheveux noir bleu, et le teint bronze de l’extrême Midi. Mais sa raideur, sa tenue irréprochable le proclamaient britannique incontestablement. Il salua d’un geste rapide, en homme d’affaires, et dit :

— J’espère vous êtes bien.

Puis, s’étant assis :

— Voulez-vous venir en Russie ?

— En Russie ! — fit Louise, saisie, comme si déjà lui fussent apparus les glaces du pôle et les ours blancs.