Page:Revue de Paris, 23e année, Tome 6, Nov-Dec 1916.djvu/777

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avoir de bonnes raisons pour cela, car s’il était original, il n’était pas maniaque ni même excentrique.

— Croyez-vous qu’il vive encore ?

— Non. S’il avait été déporté en Allemagne, il aurait trouvé moyen de nous faire connaître son sort. Il était très rusé quand il l’estimait nécessaire, et d’une adresse prodigieuse, une adresse d’escamoteur. Il aurait joué de ses gardiens comme de petits enfants ; il les aurait farcis d’illusions. Et pour tout dire, ils n’eussent pas été capables de le garder, même pendant peu de jours.

Le neveu de Grantaigle quitta Savarre pour aller prendre une dépêche.

— Ah ! monsieur, — soupira-t-il, lorsqu’il fut revenu auprès du savant, — quelle peste de dépêches, de lettres et de circulaires… Il faut que l’armée soit solide pour n’en être pas contaminée… Désirez-vous encore savoir quelque chose ?

— Qu’est devenu le laboratoire ?

— Anéanti, réduit en poudre… évaporé en atomes… Il n’en reste rien, sauf un fragment de pyromètre… qui n’offre aucun intérêt, et un morceau de papier brûlé, où j’ai pu déchiffrer cette phrase : « La vie nous est venue du monde interstellaire, et seul le monde interstellaire peut nous l’expliquer… »

— Ah ! — murmura Savarre, pensif.

Il garda un moment le silence, puis :

— Si l’on découvrait quelque chose, verriez-vous un inconvénient à me le laisser savoir ?

— Aucun. Au contraire… à moins que cela ne se rapporte à des secrets personnels… je veux dire d’ordre sentimental… car le secret scientifique tombe si mon pauvre oncle a succombé.

Savarre se retira, vaguement désappointé. Il lui semblait au fond ridicule d’établir une corrélation quelconque entre les travaux de Grantaigle et l’énigme des Givreuse.

« Il y a plus de chances, songeait-il dans le train qui le ramenait vers l’Ouest, que l’aventure soit d’ordre surhumain que d’ordre scientifique. »