Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/144

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Il la connaissait trop pour ne pas savoir que c’était une provocation, mais il savait aussi qu’elle provoquait par caprice, par curiosité et par esprit de bravade.

— Au fond, je suis une campagnarde, — dit-elle, avec un petit mélange de sauvagesse… — Ce n’est point parce qu’elle est belle que j’aime la nature, c’est parce qu’elle est redoutable.

Ils marchèrent d’abord sur la pelouse, puis Thérèse obliqua vers une sente qui passait sous les hêtres. L’odeur fine de la jeune femme dominait l’odeur des végétaux ; il écoutait le frisson de la jupe quand il se tournait, il apercevait la blancheur du visage, dont la forme s’évaporait, et une masse sombre qui était la chevelure…

Le sang monta à la tête de Philippe ; il saisit la petite main et l’étreignit :

— Oh ! — fit-elle d’un ton de reproche…

Elle dégagea vivement sa main et son rire fusa, un rire argenté, un peu rauque…

— Vous ne m’attraperez pas !

Elle avait disparu. Il entendait le pas léger dans les pénombres. Un moment, une sorte de lueur brilla dans la futaie ; puis tout se perdit dans la nuit. Il palpitait ; tous les rêves antiques, toutes les fables amoureuses où se mêlent les forêts, les nymphes, les elfes, grisaient Philippe.


(La dernière partie au prochain numéro.)
J.-H. ROSNY AÎNÉ