Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/402

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— Pas d’erreur, monsieur… le bateau là-bas est signalé… la sale bête est en chasse.

— En plongée ?

— Elle doit avoir ses raisons… On ne me fera pas croire qu’elle a pas vu !

— Au Queen-Elizabeth mon camarade… avec des circuits.

Le vieux cligna de l’œil en connaisseur ; la barque se mit à décrire des zigzags et des paraboles. Là-bas, une sorte de bête apocalyptique émergea :

— Il monte, monsieur. Foi de Pierre Salaun, ça sera la chasse.

— Maintenant, c’est lui qu’il faut suivre !

C’était un sous-marin de grande envergure, un cruiser puissamment armé et plus véloce que le cargo. Plus de six kilomètres séparaient les deux navires. L’Insubmersible formait avec eux un triangle presque équilatéral ; il était environ à cinq kilomètres de l’un et de l’autre.

Pendant quelque temps, les trois embarcations voguèrent en silence.

Enfin, on aperçut un jet de fumée, bientôt suivi d’une détonation.

L’Old Queen-Elizabeth continuait sa route.

— Trop court ! — ricana le vieux.

Le sous-marin était à cinq kilomètres du cargo, l’Insubmersible à trois kilomètres du sous-marin, sur lequel il fonçait à belle vitesse.

Le sous-marin continuait le tir. Graduellement ses projectiles encadraient le fugitif.

— Touché ! — grommela rageusement Philippe.

Il pouvait voir la trouée faite par l’obus.

— Ils nous en veulent aussi, monsieur ! — grogna Pierre Salaun.

Jusqu’alors, l’équipage du sous-marin n’avait pas paru s’apercevoir de la présence de l’Insubmersible. Le canot n’était qu’un insecte perdu sur la mer. À la longue, en voyant la manœuvre de l’insecte, le capitaine du cruiser s’étonna.

— Quand je vous le disais ! — remarqua Salaun.

Une bombe venait de s’enfoncer dans les flots, à trois ou quatre encablures et, tout de suite, d’autres la suivirent. La