Il était dix heures du matin quand Philippe se présenta chez Thérèse. Elle parut dans un grand vêtement de laine, toute moite du bain ; les cheveux de la nuque n’étaient pas secs encore ; elle fixait sur Philippe des yeux ébahis :
— Excusez-moi… vous m’avez dit de venir à n’importe quelle heure…
— Comment ! déjà fini ?
— Nous sommes sortis avant l’aube… Tout est fait depuis longtemps.
Il avait changé de costume. Rien ne révélait l’expédition qu’il venait d’accomplir.
— Vous avez essayé le canot ?
— Dans des conditions très favorables…
— La mer était belle ?
— Ce n’est pas ce que je veux dire…
Une voix se fit entendre dans la chambre voisine :
— Madame !… Madame !… vous ne savez pas… on a coulé…
Thérèse, curieuse, ouvrit vivement la porte :
— On a coulé ?
— Un sous-marin, madame… en vue de Granville !
Thérèse se tourna vers Philippe :
— Vous le saviez ?
— Oui. Le sous-marin venait de couler un vapeur anglais, l’Old Queen-Elizabeth… un torpilleur l’a coulé à son tour.
— Vous l’avez vu ?
— Comme je vous vois.
— C’est pendant que vous étiez en mer ?
— Oui.
— Oh ! dites comment c’est arrivé !
Elle tournait vers lui un visage où une naïveté de petite fille se mêlait à l’ardeur de la femme.
Il raconta ce qui s’était passé ; il le fit sobrement, sans insister sur le rôle de l’Insubmersible. Avide, elle multipliait les questions ; elle voulait violemment que le rôle de Philippe eût été décisif et elle reconstruisait à sa manière l’aventure de la faible barque attaquant le grand pirate.
— C’est vous qui l’avez blessé ! — affirmait-elle. — C’est vous !
— On ne le saura jamais.
— Mais c’est sûr ! Pourquoi n’aurait-il pas plongé ?