Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/423

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donnée avec un des corps nouveaux. Un autre être a rejoint le deuxième corps.

— Un autre être ! — exclama Savarre, avec une nuance d’ironie. — Par quel prodige se trouvait-il à Grantaigle, à l’instant même du dédoublement ?

— Je ne vois là aucune difficulté, si l’hypothèse de mon maître, ou même l’antique hypothèse des esprits, est admise dans son ensemble. À toute genèse — et je n’ai pas besoin de faire remarquer de quels événements capricieux dépendent, en apparence, les genèses humaines — il faut bien qu’un être nébulaire soit présent. On suppose qu’il est averti par avance, et cela ne me semble guère plus mystérieux que la propagation de la lumière ou de la gravitation…

— De plus, chacun des deux hommes se croit Pierre de Givreuse !

— Sur la terre, quelle que soit l’origine des êtres, nous n’avons que des souvenirs terrestres… Celui qui n’était pas Pierre de Givreuse, a trouvé ces souvenirs tout formés.

Un ouragan chassait les troupeaux innombrables de la mer océane, et les oiseaux des tempêtes, avec des clameurs rauques, s’enivraient du déchaînement des météores.

— L’homme ne saura jamais ! — murmura Savarre.

— S’il avait dû savoir, — fit doucement Gourlande, — tout lui aurait été révélé à son aurore !


J.-H. ROSNY AÎ