Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/49

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l’École normale, enfin ses rares aptitudes intellectuelles ont fait de lui un écrivain militaire.


Pendant les années de Verdun, son esprit attentif et curieux fut sollicité par un problème géographique : la Meuse, dans la partie lorraine de son cours, occupe une vallée ample et profonde dont le creusement est son œuvre. Or, avec son débit actuel, elle semble incapable d’avoir été l’artisan d’un tel travail. Il faut que des eaux supplémentaires l’aient autrefois renforcée. D’où lui venaient-elles, et comment lui ont-elles été soustraites dans la suite ? Pour interpréter cette histoire du fleuve, J. Vidal de la Blache ne se contenta pas de consulter soigneusement les documents cartographiques et bibliographiques. Il étudia le terrain ; il observa patiemment les dépôts de surface d’alluvions anciennes ; il put même pousser son exploration en profondeur, grâce à un sondage pratiqué dans la vallée même, en 1905, par le génie militaire à la recherche d’eau potable, et qui fit retrouver à dix mètres, sous la couche d’alluvions calcaires, le lit de graviers granitiques apportés par la rivière quand elle avait, pour tête la haute Moselle. Finalement il arriva à cette conclusion que le long couloir fluvial qui s’étend de Bassigny à l’Ardenne est le témoin d’un système autrefois plus étendu ; il reconstitua le dessin primitif et en suivit l’évolution jusqu’à l’isolement qui a fait de la Meuse actuelle « une rivière tronquée ». La plupart de ses affluents lui ont été soustraits par « l’offensive » de la Moselle, de la Saône et de la Seine, dont les bassins la resserrent étroitement. La perte surtout des sources de vie qui l’unissaient aux Vosges a contribué à lui ravir sa force d’érosion. Son débit n’est aujourd’hui préservé de l’indigence que par les réserves d’eau accumulées dans sa large vallée.

Après plusieurs années d’études préliminaires, le capitaine J. Vidal de la Blache écrivit son Étude sur la vallée lorraine de la Meuse[1]. Il la présenta en 1908 à la Sorbonne, en vue

  1. Paris, chez Armand Colin, 1908, in-8°, 191 pages. Les juges les plus compétents ont loué ce travail. Voir, dans les Annales de Géographie, 1908, 18e bibliographie, France, un article de M. Gallois ; dans la Revue générale des Sciences, XX, 1909, un article de M. Nicklès ; dans les Annales de Géographie, 15 novembre 1915, une notice nécrologique de M. Emmanuel de Margerie.