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une campagne de trente-cinq ans

les jeux grecs comme centres — la seconde au moyen âge, rayonnant de France sur toute l’Europe occidentale et s’exprimant par les tournois et les joutes. Dans les deux cas, les symptômes morbides apparurent de bonne heure, mais l’institution rencontra pour la soutenir une aide extérieure à elle-même. Dans l’antiquité, ce fut la religion, gardienne de l’Hellénisme, qui prit le sport sous son égide, le protégea et le maintint. Au moyen âge, ce fut la participation populaire qui se produisit avec une véhémence et une continuité dont nous ne nous rendions plus compte, imbus que nous avons été si longtemps du préjugé que le moyen âge fut une époque d’aristocratisme étroit et fermé.

La renaissance sportive moderne ne bénéficie pas des mêmes garanties de solidité et de durée que ses devancières, car il ne faut pas prendre pour un puissant contrefort les passagères exaltations de la mode. Elle est née en Allemagne, en Suède, en Angleterre d’efforts nullement homogènes, voire divergents. Il est vrai qu’elle se croit épaulée par le « scientifisme » dont la pédanterie envahit de nos jours tous les domaines et donne parfois l’illusion de la force. Sa faiblesse n’en serait pas moins grande sans un élément nouveau qui lui insufflera peut-être une vitalité prolongée : l’internationalisme. Ce n’est pas pour autre chose que j’ai provoqué en 1894 le rétablissement des Jeux Olympiques. On a cru que j’avais cédé, en ce faisant, à l’envie, après tout compréhensible, de restaurer l’une des plus célèbres parmi les institutions de l’Antiquité, mais j’étais surtout animé par le désir de donner au mouvement sportif une base à la fois élastique et vaste. Maintenant que le néo-olympisme s’est étendu à presque tout l’univers, les caprices et les fluctuations de l’opinion auront bien moins de prise sur lui. Qu’un grand peuple — que les Anglais même, comme ils donnent parfois à le prévoir — vienne à s’en détacher, cela n’empêchera plus le sport de fleurir de l’autre côté du monde, sur des rivages rajeunis ou dans les profondeurs des vieux continents.

Mais revenons à la France. Elle risque bien d’être le théâtre d’une prochaine réaction. Ne tenant point compte des enseignements de l’histoire, négligeant systématiquement d’apercevoir les côtés psychiques de la question sportive, les Fran-