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Page:Revue de Paris, 35è année, Tome 3, Mai-Juin 1928.djvu/43

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LES CHARDONS DU BARAGAN


Quand septembre arrive, les vastes plaines incultes de la Valachie danubienne se mettent à vivre, pendant un mois, leur existence millénaire.

Cela commence exactement le jour de Saint-Pantélimon. Ce jour-là, le vent de Russie — que nous appelons « le Mouscal » ou « le Crivatz », — balaie les immenses étendues avec son souffle de glace, mais, comme la terre brûle encore à la manière d’un four, « le Mouscal » s’y brise un peu les dents. N’empêche : la cigogne songeuse, depuis quelques jours, braque son œil rouge vers celui qui la caresse à rebrousse-poil ; et la voilà partie vers d’autres contrées, plus clémentes, car elle n’aime pas le Moscovite.

Le départ de cet oiseau respecté, un peu redouté dans nos campagnes (il peut mettre le feu à la chaumière, si on lui abîme son nid), départ attendu, guetté par le Yalomitséan ou le Braïlois, met fin à l’emprise de l’homme sur la terre de Dieu. Après avoir suivi le vol de la cigogne jusqu’à l’infini, le campagnard enfonce son bonnet sur ses oreilles, tousse légèrement, par habitude, et chassant d’un coup de pied le chien qui se fourre entre ses jambes, il pénètre dans son foyer :

Que les enfants commencent à ramasser des « uscaturi[1] »…

À ces paroles sombres, femme et marmaille toussotent et frémissent, à leur tour, par habitude :

— Partie, la cigogne ?

  1. Tout ce qui est sec et peut brûler.