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Page:Revue de Paris, 35è année, Tome 3, Mai-Juin 1928.djvu/638

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voix de femme qui avait proféré ces mots. Ils n’y réussirent pas.

— Qui est la patchaoura qui insulte ainsi l’autorité ? — cria l’ancien gendarme.

Une bousculade, et une femme se planta devant eux :

— Moi !…

C’était Stana. Les mains sur les hanches. Rouge comme le feu. Le regard d’une folle. La poitrine haletante. Et un ventre énorme qui s’avançait, pointu, levant bien haut le devant de sa jupe.

— C’est toi, p… ? — fit le gendarme, marchant vers elle, furieux.

— Oui, oui ! Moi. Assassins ! Bourreaux ! C’est moi qui vous dis cela, moi, la p… de votre maître.

Et avec un ahrr ptiou ! un gros crachat partit de sa bouche, droit dans les yeux du gendarme.

Au même instant, avec un sus à ces canailles ! le paysan battu sauta sur le dos du nouveau gendarme et le jeta à terre, — ce qui fit se retourner son collègue, promptement, en portant la main au revolver, — mais on ne put rien distinguer, après, car ce ne fut qu’une mêlée sourde, au milieu de laquelle six coups de feu retentirent, et les deux gendarmes restèrent ensanglantés, sur la place, qui se vida en un clin d’œil.

Pendant quelques minutes, on ne vit plus que des enfants, immobilisés par l’épouvante, le regard hébété, la bouche ouverte, puis les cojans réapparurent, surgissant de partout en même temps, chacun armé de son fusil de chasse, ou, à défaut, d’une hache, d’une faux, d’une fourche. On cria :

— Au konak ! à la mairie !

Ils dévalèrent en masse vers la mairie, qui était sur le chemin du konak.

Costaké et Toudoritza décrochèrent chacun un fusil, des quatre qui se trouvaient dans la maison.

— N’y allez pas, au nom du Seigneur, ne vous mêlez pas à cette folie ! — leur crièrent les autres.

Mais ils étaient déjà loin. Nous les suivîmes, Brèche-Dent, Élie le rouquin et moi.