siècles, avait eu les épaules assez robustes pour exprimer dans un vers dru, solide, écouté, la comédie des mœurs contemporaines. Certes, le vers romantique, son exigence de musique et de dépaysement, portèrent déjà un coup à ce vers comique, en 1830. Mais le public résista. La bourgeoisie au pouvoir ne supporta pas d’être privée d’une représentation poétique de ses mœurs. M. Poirier suscita Ponsard et Augier, comme Louis XIV Racine. Évidemment nous avons beau jeu aujourd’hui à nous égayer de
Notre ami, possesseur d’une papeterie
A fait avec succès appel à l’industrie.
Nous avons beau jeu parce que ces vers nous les lisons, que la lecture pour des vers de théâtre c’est l’automne, l’hiver, et que les feuilles mortes de ces ridicules distiques se confondent avec l’humus obscur où poussent les arbres nouveaux. Mais il y eut pour les vers de Ponsard et d’Augier une vie du théâtre, qu’ils méritèrent. Ils trouvèrent l’oreille du public, qui pensait que l’éloquence convient aux situations dramatiques, que le vers la nourrit, ajoute à l’autorité, comme la crinoline et les manches à gigot au prestige des dames, et qui, habitué aux toilettes étoffées et cossues, aimait que la langue en portât.
Ce vers comique bourgeois ne s’est éteint sous la République que lentement. Gabrielle était encore au répertoire peu avant la guerre. Pailleron a donné de 1860 à 1882 une demi-douzaine de comédies bourgeoises en vers. Les Ouvriers (1870), l’Absent (1873) d’Eugène Manuel, le Père Lebonnard (1889) de Jean Aicard sont écrits par ligne de douze pieds rimés. Le XXe siècle a mis fin à ces survivances.
De Ponsard à Aicard, voilà évidemment, comme les Rougon-Macquart, une famille qui se détruit. Mais pourquoi et comment ? En réalité la comédie bourgeoise en vers, en succombant la première, n’a fait qu’inaugurer une liquidation générale du théâtre en vers, que la Grande Guerre a achevée. Jusqu’en 1900, on eût pu difficilement prévoir une destinée aussi catastrophique.
C’est, en effet, dans les trente premières années de la République que comédie et drame romantiques en vers ont donné le plus d’œuvres honorables, vu se renouveler les salles les plus