Page:Revue de Paris, 7è année, Tome 3, Mai-Juin 1900.djvu/533

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
529
LE FEU

son trouble, impuissant à dominer le tumulte de ses pensées en désarroi.

Le cœur ignorant de la femme palpita de crainte.

— Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as fait ?

— Je souffre.

— De quoi ?

— D’anxiété, d’anxiété, de ce mal que tu me connais bien.

Elle le prit entre ses bras. Il sentit qu’elle avait tremblé d’un doute.

— Tu es à moi ? à moi encore ? — demanda-t-elle, la bouche sur l’épaule de Stelio, d’une voix étouffée.

— Oui, à toi, toujours.

Horrible était la frayeur qui agitait cette femme chaque fois qu’elle le voyait partir, chaque fois qu’elle le voyait reparaître. Au départ, n’allait-il pas vers la fiancée inconnue ? Au retour, ne venait-il pas lui dire le dernier adieu ?

Elle l’étreignit entre ses bras, avec l’amour de l’amante, de la sœur, de la mère, avec tout l’amour humain.

— Dis : que puis-je faire, que puis-je faire pour toi ? Dis !

Un continuel besoin la tourmentait d’offrir, de servir, d’obéir à un commandement qui la pousserait vers le péril, vers la lutte pour un bien qu’elle lui rapporterait.

— Que puis-je te donner ?

Il souriait faiblement, envahi par une lassitude.

— Que veux-tu ?… Ah ! je le sais !

Il souriait ; il se laissait caresser par cette voix, par ces mains adorantes.

— Tout, n’est-ce pas ? Tu veux tout !

Il souriait avec mélancolie, comme un enfant malade à qui on parlerait de beaux jouets.

— Ah ! si je pouvais ! Mais personne sur la terre ne pourra jamais te donner rien qui vaille, mon ami. Ta poésie et ta musique, c’est à elles seules que tu peux demander tout. Je me souviens de cette ode qui commence ainsi : « Je fus Pan. »

Il inclina sur le cœur fidèle son front plein de beautés qui s’éclairaient.

— « Je fus Pan ! »