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REVUE DE PARIS


POLITIQUE.


questions extérieures

La commission que la chambre des députes avait chargée d’examiner les crédits supplémentaires et extraordinaires des exercices 1843 et 1844 a terminé son travail. D'Après le rapport de M. Félix Réal, le total de ces crédits s'élève à plus de 45 millions.

L’année dernière, l’opposition eut à regretter de n’avoir pas examiné avec assez de vigilance et d’exactitude le budget supplémentaire du ministère des affaires étrangères ; aujourd’hui elle parait ne pas vouloir tomber dans la même faute. La loi des crédits extraordinaires devient de plus en plus tous les ans comme une sorte de budget supplémentaire, où se reproduisent toutes les questions politiques. Cola est vrai surtout pour le département des affaires étrangères. Dans l’emploi des crédits qui lui sont alloués, on trouve des dépenses qui, sans avoir un caractère permanent, apparaissent avec une sorte de périodicité ; telles sont les dépenses pour la délimitation du Rhin, pour une mission il Londres tendant h régulariser le service des postes, pour une mission relative à rétablissement du service des paquebots transatlantiques, pour une mission eu Grèce ayant pour objet la surveillance de nus intérêts financiers. à raison de l’emprunt contracté par le gouvernement grec, enfin pour diverses missions temporaires à Bombay, à Rostock, à Janina, à Patras, à Galatz, et sur d’autres points où nous n’avions pas de consuls.

Ce n’est pas tout : voici d’autres dépenses. Il y a ou des missions nouvelles en Chine, à Haïti, à Constantinople, en Espagne, dans le Levant, en Italie. On voit qu'examiner les crédits supplémentaires, c’est faire le tour du monde. Hans les explications que M. le ministre des affaires étrangères a données au sein de la commission, il a beaucoup insisté sur Futilité de l’envoi d’un ministre plénipotentiaire en Chine. Solon lui, un agent revêtu de ce caractère, ayant pouvoir de stipuler des couvent ions spéciales avec le gouvernement chinois, pouvait seul offrir les garanties convenables aux intérêts français qui voudront s’engager dans ces relations nouvelles. Sur ce point, il faut attendre que les faits aient parlé. La mission pour la Chine est partie à la lin de décembre L’exploration à laquelle elle doit se livrer durera près de deux ans. Il faudra voir si nous aurons beaucoup à nous louer des procédés do l’Angleterre, si elle ne nous traversera pas dans nos efforts pour nouer avec le gouvernement chinois des relations directes. On s’est bien légèrement flatté de l’espoir que notre envoyé serait admis eu la présence du malice du céleste empire. H est probable qu’il faudra rabattre de ces prétentions, et s’estimer heureux qu’un commissaire impérial vienne ù Canton traiter avec le représentant de la France. Ici notre dignité nationale est à la merci de l’orgueil chinois et de la rivalité anglaise. Mais, sans s’appesantir prématurément sur ces questions, l’opposition pourra demander des éclaircissemens sur les faits qui se sont passés dans l’indo-Chine entre deux agens français. AL de Jancigny et AL Ratti-Menton. Le scandale de leurs dissensions n’a que trop éclaté. Ne faut-il pas attribuer ces divisions déplorables à la négligence qu’aurait apportée le ministère des affaires étrangères à mettre ces doux agens en rapport d’une manière positive et convenable ? Tous ees faits, qui appartiennent au passé, tombent naturellement sous l’examen de la chambre. Nous lisons, dans le rapport de AL Félix Réal, qu’une mission a été donnée pour Téhéran au second secrétaire de l’ambassade française auprès du sultan. U s’est élevé un conflit entre la Perse et la Turquie au sujet dîme délimitation de territoire. Oescluvtiensnvstoriens, établis dans les montagnes du Kurdistan, en ont été expulsés après avoir été pillés et maltraités par des populations soumises à la Perse. Ces chrétiens sont ailes s’établir dans la Mésopotamie, sous la domination turque. Ils ont réclamé l’intervention do la France : c’est pour leur donner un appui que le ministère a imaginé une mission temporaire à Téhéran. Jusqu’à quel point celte intervention a-1-elle été efficace ? La conférence qui s’est ouverte À Erzeroum entre les deux gouvernemens de Perse et de Turquie a eu lieu sous la médiation d’agens anglais et russes. Il est à craindre que la France n’ait été bien elfacée. A Constantinople, ne sommes-nous pas aussi primés par l’Angleterre dans nos relations avec le divan ? La chambre voudra sans doute ne pas laisser échapper cette occasion d’apprendre ce que le cabinet a lait et obtenu d’efficace pour la protection des chrétiens en Orient.

Mais l’examen des crédits supplémentaires sera surtout l’occasion de la reprise du débat dans l’affaire de Taïli. Les pièces communiquées par le ministère ont été lues, étudiées par les hommes qui ont déjà porté la question à la tribune. Ces communications n’éclairent qu’une faible partie de la vérité, et cependant elles donnent des armes redoutables à l’opposition : elles sont à la fois incomplètes et accusatrices. Il est question, dans les crédits supplémentaires, d’une allocation accordée à un voyageur se rendant aux îles Marquises. Ce voyageur est M. (hisse, dont les journaux ont, dès l’origine du débat, public une lettre. M. Guizot a déclaré au sein de la commission qu’aucune mission n’avait été donnée ère voyageur, mais qu’il s’était chargé de faire parvenir au ministère des aftaires étrangères des renseignemens statistiques. Il est probable que la lettre de M, Gosse a été peu goûtée par ( administration, qui ne lui allouera plus rien.

Que va faire le ministère ? Si le désaveu de M. Dupetit-Thouars rend notre position par trop difficile dans les lies de la Société, les forces de la France se concentreront-elles aux îles Marquises ? M. le contre-amiral lïamelin n’est pas parti. Le cabinet est indécis, inquiet. Il n’a pris encore aucune mesure positive pour changer à Taïli ce qu’a établi AL llupetit-Thouars. L’amiral a été désavoué ; c’était le plus pressé aux yeux du cabinet, qui n’a songe qu’à ne. pas déplaire ù l’Angleterre. .Maintenant il faut se mettre à frein re. il tant détruire ce qu’ont fait nos officiers et nos marins ; ce désaveu si brusqua, si impolitique, il tant l’exécuter, et c’est ici que le ministère, quia mis tant de précipitation dans ses paroles, trahit, au moment d’agir, son hésitai ion et son anxiété. C’est un nouveau motif pour la chambre de reprendre le débat. La persesérance de son intervention sera fort utile en augmentant les regrets et les craintes que le cabinet parait éprouver lui-même. U dépend de la chambre do faire figurer les atïaires d’Espagne dans la discussion dos crédits supplémentaires. En effet, nous trouvons parmi les crédits une somme destinée ù indemniser les familles françaises auxquelles la dernière insurrection de Barcelone a fait courir les pins grands dangers. Tout en approuvant cette indemnité, il dépend de la chambre de s’arrêter un instant à considérer l’état de la Péninsule. U appartient aux hommes politiques du parlement d’apprécier l’opportunité de cet examen. Pour nous, il nous semble que quelques questions adressées avec grax lté au cabinet. sur l’état de l’Espagne. sur son avenir constitutionnel, ne seraient passons à-propos. Un ministère qui affectait les allures du pouvoir absolu vient de disparaître, La veille de sa chute, il échangeait avec le cabinet français les témoignages de la plus étroite sympathie. Ou dirait que les décorations sont un signe avant-emireiir de la ruine des ministres espagnols. Quelques semaines avant sa chute. Olozaga se parait avec orgueil de la Toisond’Or. A peine si M. Gonzales Bravo aura pu porter une Cois le grand cordon de la Légion-d'Honneur que venait de lui