Page:Revue de Paris, année 44, numéro 7, avril 1937.djvu/207

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jeune chef réussit où ses prédécesseurs ont succombé. Il est en train d’acclimater Bruckner en France. Il le rendra plus accessible. Dans un temps où la musique, revendiquée par les nationalismes en armes, a presque cessé d’être une langue universelle, c’est un exploit surprenant d’avoir transporté à Paris la Septième symphonie tout entière, avec ses quatre panneaux aux dimensions colossales.

Chacune de ces parties vient d’être acclamée. On a goûté pleinement la noble introduction, allegro moderato, où le cor et les violoncelles suivent l’idée principale en ses alternatives de fougue et de mélancolie. L’adagio, tour à tour oraison funèbre et chant d’apothéose, a remué les cœurs. Le scherzo, lui-même, a bien des partisans. N’est-ce pas une musique pour un bal au village, que des trompettes guerrières traversent de leurs fanfares ? Seule, la conclusion déroute et déplaît. Les Parisiens ne lui pardonnent pas ses analogies avec le Venusberg. Ils condamnent ses réminiscences de bacchanale, son clinquant de théâtre emprunté à Tannhäuser. Et le second motif ne les dispose pas non plus à l’indulgence. Que vient faire ici, demandent-ils, un choral religieux, murmuré pianissimo par les cordes ? Il est hors de place entre toutes ces diableries. Quant au paroxysme instrumental de la fin, son éclat, ne permet point d’oublier que ce déchaînement fait double emploi avec la fulgurante péroraison du premier morceau. On s’aperçoit même, en collationnant les textes, que les violons, à l’aigu, dessinent, de part et d’autre, des figurations identiques. Une symétrie si fastidieuse trouvera-t-elle des défenseurs ?

Bruckner se discrédite ainsi par des faiblesses qui mettent nos délicats à la torture. On peut même dire qu’elles le caractérisent. Personne n’est moins divers. Ignorant de la monotonie, il ignore la satiété. Ce besoin de renouvellement, auquel un Wagner, un César Franck sacrifiait sans cesse, à peine s’il le soupçonne. Certaines tonalités lui ont inspiré un attachement superstitieux : il y revient toujours. Sur neuf symphonies, il en écrit deux en ré mineur, trois en ut mineur, sans se douter qu’il y a peut-être là quelque abus. La plupart de ses ouvrages se ressemblent par la facture. Bruckner, issu d’une obscure lignée de paysans, devait attribuer une valeur