son manteau sur lui, saisit convulsivement le bras du Français, et fut s’asseoir à l’orchestre.
L’ouverture de Romeo et Giuletta finie, le rideau se leva lentement ; l’orchestre se tut, et tel fut le religieux silence qui régnait dans la salle qu’on put entendre frémir long-temps les derniers accords, s’élevant légers comme un nuage, planant sur la foule immobile, et se brisant sur la voûte, comme les ondulations de l’eau agitée contre la pierre du bassin qui l’enferme. Lorsque Gina parut, tous les fronts se découvrirent, et d’un mouvement spontané la foule se leva comme un seul homme. Pas un cri, pas un murmure : elle était muette. Il n’y eut alors ni joie ni enthousiasme ; il n’y eut qu’attendrissement et pitié, et ce fut un touchant spectacle que de voir tous ces visages empreints d’une commune douleur au milieu de cette salle parée de luxe et d’élégance. Gina s’avança à pas lents, les bras maigres, les yeux éteints et les joues caves ; mais plus belle que jamais de la beauté qu’elle avait perdue, belle de ses longues souffrances, de son long veuvage de gloire, belle comme la jeune épouse qui sort de ses habits de deuil, pâle et les yeux brûlés de larmes. Mais lorsqu’elle fut arrivée sur le bord de la scène, et que, simple et naïve, elle se fut inclinée, alors, comme la bombe tombant avec fracas sur les pavés d’une ville endormie, la foule éclata tout à coup. La clarté des lumières vacilla au bruit des longs cris d’enthousiasme ; les fleurs pleuvaient, les loges étincelaient de pierreries, et les écharpes blanches et roses s’agitaient dans l’air embaumé. Gina était sublime alors. Les yeux brillans, dévorée d’inspiration, victime haletante sous le génie qui la pressait, les ressorts de son ame ardente reprenaient toute la verve, toute la hardiesse de la jeunesse, plus énergiques, plus brûlans que jamais, comme la force élastique, qui, long-temps comprimée, ne bondit qu’avec plus de violence. Qu’elle était belle avec sa figure pâle et passionnée, avec son sein qui palpitait, impatient d’harmonie ! Elle chanta comme jamais elle n’avait chanté en ses plus beaux jours. Dans tout le cours de la pièce, exaltée par les applaudissemens frénétiques, elle s’éleva au-dessus de tout ce que l’Italie avait produit de génie et de mélodie. Surprise elle-même