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DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

oublier encore ni le froc du capucin, ni la soutane du chanoine, et le moine de Cologne nuisait souvent à la popularité du terrible dictateur de Strasbourg. Une voix élevée au milieu de la société populaire de Brumpt, dans le cours d’une des excursions tragiques dont j’ai parlé, ne craignit pas de rappeler à Schneider cette tache infamante du sacerdoce, qui le rendait irrémissiblement suspect aux amis de la liberté, et de lui conseiller, pour tout moyen de transaction avec les principes, un acte qui consacrât du moins solennellement son apostasie. Schneider n’était pas marié ; son goût effréné pour les femmes se conciliait même assez mal, avec les obligations d’un engagement chaste et légitime, et il ne fallait rien moins pour le décider à s’y soumettre que l’intérêt de cette popularité de cynisme et de sang à laquelle il avait déjà fait tant de sacrifices. Dans cette dernière occasion, il ne vit aucun moyen de se soustraire au terrible argument qu’on lui opposait, et l’amour des richesses put contribuer, d’ailleurs, à vaincre l’instinct d’indépendance et de débauche qui l’avait dominé jusque-là. Ses regards tombèrent sur une jeune personne de Brumpt, qui joignait une immense fortune à toutes les perfections du corps et de l’esprit. C’était la fille d’un aristocrate en jugement, et Schneider l’avait remarquée dans la foule des suppliantes qui, tous les jours, inondaient le prétoire. Le lendemain, la mise en liberté de l’accusé fut signée, et, par une apostille singulière, dans un pareil acte, le proconsul l’avertit qu’il se proposait de lui demander à dîner le même jour.

La jeune fille ne se trouvait pas au banquet. C’était l’usage alors de la plupart des communes rurales de l’Alsace et des provinces voisines, que les femmes, n’y parussent point, et son père n’avait pas jugé à propos de l’enfreindre ce jour-là. Schneider réclama sa présence, et on obéit. Il se piqua d’abord d’esprit, de grâce, de politesse, et toutes ces qualités ne lui manquaient point. Puis il arriva, sans beaucoup de détours, à l’objet de sa visite. Sa dialectique connue le dispensait suffisamment d’une recherche laborieuse de précautions oratoires. L’homme qui tenait le glaive suspendu sur un peuple et sur une armée n’avait pas besoin de s’envelopper des misérables circonlocutions des rhéteurs. Il demanda la main de