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incessamment des clameurs d’une joie bruyante ; or, la tranquillité de ce petit port était ainsi troublée par les conséquences de la permission que l’amiral Ruyter avait donnée aux capitaines de sa flotte, mouillée dans le canal entre Dieshoek et Flessingue (I), d’envoyer tour à tour leurs équipages se rafraîchir à terre pendant trois jours.

Il était douteux que ces honnêtes marins flamands et hollandais suivissent tout-à-fait la lettre de cette autorisation, et qu’ils passassent leur temps à se rafraîchir ; car on voyait, sur les tables des hôtelleries de Duinburg, plus d’eau-de-vie et de vin d’Espagne que de koeders (2), et bien souvent la chaloupe des vaisseaux de guerre remportait à bord quelques victimes des rixes devenues si fréquentes depuis la destitution de l’amiral Tromp, que l’on disait injustement sacrifié à Ruyter.

Aussi, les marins de Tromp ayant pris parti pour leur amiral contre les matelots de la flotte de Ruyter, qui soutenaient la cause de ce dernier, chaque jour voyait de nouvelles querelles.

Tout ceci se passait après les combats acharnés qui avaient eu lieu les 4, 5 et 6 août, entre la flotte anglaise et la flotte hollandaise que nous avons laissée mettant à la voile, et s’élevant au nord-est des bancs d’Harwich, pour prendre une meilleure position de bataille.

Parmi les tavernes de cette île de Duinburg, l’auberge des Armes d’Enkhvysen était celle qui réunissait les suffrages des connaisseurs, tant à cause de la parfaite qualité de son genièvre et de son vin épicé, que pour le talent remarquable avec lequel myn-heer Hoën accommodait le stokfisch, ce mets de prédilection des Hollandais.

Un des habitués les plus assidus des Armes d’Enkhuysen était le vieux Sauret, qui connaissait d’ailleurs myn-heer Hoën depuis longues années ; car l’excellent hôte faisait çà et là un peu de contrebande, et avait souvent mis à bord de la qiiaiche (3) que montait Sauret, deux

est presque ronde sur onze milles de diamètre, très basse, et sujette aux inoiidations. Middelbourg en est la capitale,

(1) Flessingue, autre ville de l’île de Walcheren ; son poit est situé sur la côte du sud, à quatre milles au sud de Middelbourg, et à dix-sept milles au N.-E, de Sluys, par Si « 26’37 » N., et 1° 14’9" à l’E. de Paris. La ville défend le passage de l’Escaut et toutes les îles de la Zélande ; le port est placé entre deux môles qui rompent l’effort des lames.

(2) Koeders, mélange d’eau, de vinaigre et de miel.

(3) Quaiche ou kerch, sorte de bâtiment en usage chez les Anglais et les Hollandais. Ils sont ordinairement à poupe carrée, bien construits et bon voiliers,