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REVUE DE PARIS.

fines aux poignets. En un mot, cet enfant, à en juger par la recherche de sa mise et le bon goût de ses vêtements, avait dû être, dans le temps où il avait été si cruellement surpris par la mort, un garçon fort distingué et fort à la mode.

Son visage était hâve, mais blanc ; une barbe blonde et naissante encadrait ses lèvres et dessinait le contour gracieux de son menton. Ses traits étaient fins et mignons, ses mains petites et délicates, et il y avait sur son front et dans toute sa physionomie inanimée et décolorée l’expression d’un calme et d’une candeur ineffable. On eût dit qu’il avait quitté la vie sans regrets, sans efforts, dans résignation. Il montrait au plus vingt ans.

Il faut croire que ces chambres souterraines étaient d’une construction bien saine et bien salubre, et que la dépouille mortelle de cet enfant comme celle du vieillard s’étaient trouvées dans un milieu bien exempt de toute humidité ambiante et de tout principe dissolvant, car elles étaient l’une et l’autre dans un état de parfaite conservation, ou plutôt de parfaite dessiccation, comme si elles eussent été soigneusement embaumées dans un cercueil. La peau sèche et adhérente aux articulations avait pris la dureté et la sonorité du parchemin, et le sang et la chair s’étaient réduits et volatilisés à ce point qu’ils avaient perdu toute pesanteur. Tels se conservent, dit-on, quelquefois dans le désert les corps des voyageurs engloutis par des tourbillons de sable.

Peindre l’étonnement de M. le lieutenant de police et l’ébahissement de ses commis devant une aussi étrange rencontre ne serait pas chose facile ; et ce qui surtout me serait impossible, ce serait de les suivre dans la foule d’imaginations et de suppositions que fit naître dans leur esprit la vue de ces deux corps, formant entre eux un si curieux contraste : l’un tout jeune, l’autre dans les dernières limites de la vieillesse ; l’un couvert de toutes les apparences de la misère la plus dégoûtante, l’autre dans la livrée du luxe et les soins de l’élégance ; l’un avec un masque hideux, image du vice et de la rage, l’autre avec une belle tête blonde, résignée et douce, comme celle d’un enfant dans le sommeil.

Comment ces deux infortunés avaient-ils trouvé la mort dans ce cachot ? Depuis quand étaient-ils là ? Qui pouvaient-ils être ? Voilà quelques-unes des mille et une questions que naturellement s’adressaient nos perquisiteurs, tout en se livrant à un bien triste examen, tout en considérant ces pauvres victimes, dont la fin avait dû être si cruelle, qui avaient dû succomber après une lente et affreuse agonie.