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REVUE DE PARIS.


XVII.


L’écriture qui couvrait tous les feuillets du petit livre que M. d’Argenson avait trouvé dans la cellule de pierre, près du squelette du jeune homme, et qui, à en juger par l’élégance de son enveloppe si bien en harmonie avec l’élégance des vêtements de cet infortuné, avait dû certainement lui appartenir, était une écriture ronde assez lisible, mais tracée d’une main incertaine et tremblante. Il y avait peu d’ordre dans la rédaction et peu de suite dans la succession des pages. La plupart des lignes couraient de bas en haut ou de haut en bas d’une façon extravagante, comme ces rangées de bâtons qu’on fait faire aux jeunes enfants pour les initier peu à peu aux arcanes des déliés et du jambage.

Sur le premier feuillet on voyait d’abord, en assez grands caractères et comme pour servir de titre :


ADOLPHUS,
NEVEU DE MAITRE JEAN D’HANSPACH,
À CEUX
QUI POURRONT PÉNÉTRER DANS CE REPAIRE, SI JAMAIS
LE CIEL LE PERMET, ET ENTRE LES MAINS DESQUELS
POURRAIT TOMBER CE PORTEFEUILLE,
SALUT, AMITIÉ ET BONHEUR.
PITIÉ POUR MOI.

Ce commencement bizarre, qui semblait promettre des révélations, n’était pas fait pour détourner la curiosité ; bien loin de là. Amorcé, piqué au vif, M. d’Argenson, qui brûlait d’en savoir davantage, se mit à déchiffrer le mystérieux grimoire avec l’ardeur et l’application d’une jeune dame dévorant à la dérobée un de ces beaux romans qui font voyager l’âme sur une mer de galanterie et d’amour.

À la suite de cette espèce de frontispice ou de préface venait la narration que voici, sinon absolument exacte pour les termes, certainement exacte pour les faits.

Le pauvre et malheureux neveu de maître Jean d’Anspach entamait ainsi :

« Ma fin sera sans doute horrible ! il faudra que j’expire là aux côtés de mon oncle, dans une lente agonie ; cela est inévitable,