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REVUE DE PARIS.

du goût de l’or, de l’or, cette infâme drogue ! — Le mauvais exemple serait-il donc plus salutaire que le bon ?

« Si je venais auprès de mon oncle, c’était donc conduit surtout par un honnête sentiment de famille. N’était-il pas le frère de ma pauvre mère, que j’avais tant aimée ? Puis il y avait dans les traits du vieillard, et parfois dans sa voix et dans ses gestes, quelque chose qui me rappelait cette première amie ; et cela suffisait, je l’avoue, pour m’attacher à lui.

« Mais peut-être dois-je le dire aussi, une pensée plus puérile, qu’on pardonnera, je l’espère, à mon extrême jeunesse, avait-elle aussi sa place dans mon esprit. Mon oncle était si fantasque, si singulier, si plaisant dans toutes ses petites pratiques avaricieuses, chaque fois que je l’approchais j’étais si parfaitement sûr qu’il me servirait quelque nouvelle folie, que je prenais un certain plaisir malin et secret à le voir.

« J’avais lu et relu l’Avare de Plaute à l’université. Mais comme cet avare-là était loin d’égaler mon oncle ! comme il me revenait à la mémoire pâle et décoloré ! Harpagon, Euclio, Thesaurochrysonicocbrysidès, comparés à mon oncle, étaient de véritables dissipateurs. »

Ici le jeune Adolphus, sans doute par inadvertance, avait tourné deux feuillets ensemble, car une lacune de deux pages blanches interrompait brusquement le récit en cet endroit. — Il reprenait ensuite.

« Soit que j’eusse trop musé le long de la route d’Arcueil, soit que je me fusse oublié trop longtemps dans la société un peu farouche de mon oncle, plusieurs fois il m’était arrivé de me laisser surprendre par la nuit, et, ne pouvant plus rentrer dans Paris sans courir quelque danger, il m’avait fallu demander un gîte au château. Mon oncle avait toujours vu cette circonstance avec effroi, et n’avait jamais consenti à m’accorder cette hospitalité de passage qu’avec une extrême répugnance et après avoir épuisé toutes les subtilités imaginées par la politesse pour faire comprendre indirectement à un homme qu’il ferait bien de gagner la porte.

« Enfin, quand il était bien convaincu de l’inefficacité de son éloquence expulsive, de l’inutilité de ses ingénieux efforts pour altérer ma résolution, il me conduisait d’une façon fort rechignée au local qui devait me servir de logis. C’était d’ordinaire un grenier immense, situé au-dessus du bâtiment des écuries, celui qui se trouve à main droite du côté du jardin lorsqu’on entre dans la cour d’honneur.