Page:Revue de Paris - 1843, tome 16.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
323
REVUE DE PARIS.

feuilles, puis reprendre son falot et disparaître peu à peu dans le vide laissé par la trappe, semblant s’enfoncer par degrés sous le sol, comme s’il avait descendu les marches d’un escalier soute

« Je m’approchai alors de l’ouverture avec précaution, je risquai un regard timide, et je vis au-dessous de moi, tout au bout d’une longue suite de gradins de pierre échelonnée entre les deux parois d’un étroit couloir, la silhouette décharnée de mon oncle qui s’avançait le dos courbé dans un espace plein d’obscurité où mon œil le suivait avec peine.

« Je le vis ensuite s’enfoncer de nouveau dans le sol, disparaître peu à peu, comme si la terre avait fui sous son pied fourchu, laissant encore après son entière disparition une faible lueur de plus en plus mourante, pareille à la trace de phosphore et de soufre que laisse derrière lui Lucifer, et qui bientôt s’éteignit tout-à-fait.

« J’attendis quelques instants, l’oreille au guet, l’œil plongé dans la même direction ; mais n’entendant plus au et ne voyant point reparaître la lumière, je me glissai doucement dans l’escalier, quitte à me rompre le cou, car il me tardait de savoir ce que mon oncle pouvait célébrer au fond de ce puits.

« J’arrivai au bas des degrés sans encombre, et après avoir fait quelques pas sur une surface unie, je me trouvai sur le bord de l’orifice par lequel maître Jean avait disparu. Je me penchai sur ce soupirail, j’aperçus au fond d’une sorte d’hélice ou caracol une lumière faible et rampante, qui, tournant plusieurs fois sur elle-même, venait mourir à mes pieds. Conduit par cette lueur, je descendis encore, marche à marche, cette étroite spirale, et je débouchai tout à coup dans la salle nue et voûtée qui précède celle-ci.

« Mon oncle était alors en cette dernière cellule. Là, près de lui, sur un grand coffre, était posée cette petite lampe de fer qui m’éclaire encore et me permet de tracer rapidement ces lignes. Mais hâtons-nous, j’ai beau la pencher, je ne vois plus dans le récipient que quelques gouttes d’huile ; la mèche, que je remonte sans cesse, a presque atteint son extrémité ; et quand la lumière va quitter cette lampe, elle quittera aussi à jamais ma paupière. Hélas ! Ô mon bon oncle, il nous faut mourir ! Quelle fin désespérante et cruelle ! Mais le vieillard ne m’entend déjà plus. Sa main froide et crispée ne répond plus aux serrements de la mienne. Adieu, adieu, mon oncle ! Oh ! dites que vous me pardonnez !

« Mais si, au lieu de demeurer oisif et résigné, j’appelais, j’ébranlais ces barreaux sans relâche ! si je rongeais de mes dents cette