— Comment ! à qui ? — balbutia Kovrine tout confus. — Mais à lui !… Le voilà qui est assis, reprit-il en désignant le moine noir.
— Il n’y a personne ici… absolument personne… Tu es malade, mon André !
Tania entourait son mari de ses bras, elle se pressait contre lui, et, comme pour le protéger contre ses visions, lui couvrait les yeux avec ses mains.
— Tu es malade ! — répéta la jeune femme qui sanglotait et tremblait de tout son corps. Pardonne-moi, mon chéri, mon adoré, mais je m’étais aperçue déjà depuis longtemps que tu avais l’esprit dérangé… Tu as le cerveau malade, mon André !…
Kovrine tremblait aussi. Il porta encore une fois ses regards vers le fauteuil, maintenant vide ; soudain il ressentit une grande faiblesse dans les jambes et dans les bras, et, tout effrayé, il commença de se vêtir.
— Ce n’est rien, Tania, ce n’est rien… murmura-t-il. Il est vrai que je suis un peu indisposé… le moment est venu de l’avouer.
— Il y a longtemps que papa et moi nous l’avions remarqué, — dit-elle en faisant un effort pour retenir ses larmes. — Tu te parles toujours à toi-même, tu souris parfois d’un sourire si singulier… et puis, tu ne dors jamais… Ô mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de nous ! s’écria la jeune femme toute bouleversée d’horreur… — Mais n’aie pas peur, mon cher André, ajouta-t-elle ; pour l’amour de Dieu, n’aie pas peur…
En la regardant, Kovrine comprit ce que son état offrait d’inquiétant, il comprit ce que signifiaient le moine noir et ses entretiens avec lui. Maintenant, il voyait clairement qu’il était fou.
Tous les deux s’habillèrent sans savoir pourquoi et se rendirent au salon : elle marchait la première, Kovrine la suivait. Là, ils trouvèrent Yégor Sémionovitch, qui était justement chez eux pour quelques jours : éveillé par les sanglots de Tania, il avait revêtu sa robe de chambre, et il attendait, la bougie à la main.
— N’aie pas peur, mon ami, — répétait la jeune femme en