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très lentement. Je regardais. Cela dure un siècle. « Eh bien, — répétai-je, faisant effort pour parler, — il n’y a rien dedans ! » Il fallait bien dire quelque chose. Je commençais à avoir peur. Je pouvais voir jusqu’au fond de sa manche ; il l’avançait vers moi, lentement, lentement, comme ceci, jusqu’à six pouces de mon nez. C’est une chose étrange, allez, de voir une manche vide se tendre ainsi vers vous ! Alors…

— Alors ?…

— Quelque chose… comme un index et un pouce… me pinça le nez.

Bunting se prit à rire.

— Il n’y avait rien dedans ! — s’écria Cuss, et sa voix s’éleva en un cri perçant sur ce « dedans ». C’est facile de rire ! Mais je vous l’assure, j’étais si affolé que je frappai violemment cette manche : je me retournai, je m’enfuis de la chambre, je le plantai là.

Cuss s’arrêta. Il n’y avait pas à se méprendre sur la sincérité de sa terreur. Il tournait sur lui-même, dans un état de grande faiblesse. Il but un second verre du mauvais sherry de l’excellent ministre.

— Quand je frappai la manche, ce fut tout à fait comme si je touchais un bras. Et il n’y avait pourtant pas de bras ! Pas l’ombre de bras !

Bunting réfléchit. Il regardait Cuss avec inquiétude.

— C’est une histoire bien curieuse.

Il avait pris un air très prudent et très grave.

— En vérité, — répéta M. Bunting avec l’emphase d’un juge, — c’est une histoire bien curieuse !


V

UN VOLEUR AU PRESBYTÈRE


Les détails du vol commis au presbytère nous ont été rapportés en grande partie par le pasteur et sa femme. Il fut commis à l’aube, le lundi de la Pentecôte, jour consacré, à Iping, à des réjouissances publiques. Madame Bunting s’éveilla tout