massacre, des lambeaux de toile déchirée, les marchandises éparses d’une boutique de sucreries. Partout, le bruit de volets qui se ferment, de verrous qui se tirent ; du genre humain on n’aperçoit plus, par-ci, par-là, qu’un œil sous une paupière clignotante, dans le coin d’une vitre.
L’homme invisible s’amusa quelque temps à casser tous les carreaux de l’auberge ; puis il lança l’une des lanternes de la rue dans la fenêtre du salon de madame Grogram. Ce fut lui encore, sans doute, qui coupa le fil du télégraphe d’Adderdean, un peu au-delà du cottage de Higgin, sur la route d’Adderdean. Après quoi, en vertu de son essence particulière, il échappa tout à fait à la perception des hommes, il ne fut jamais plus ni vu, ni entendu, ni touché même, à Iping. Il s’évanouit complètement.
Il se passa bien près de deux heures avant que personne n’osât s’aventurer parmi la désolation dont la grand-rue offrait le spectacle.
XIII
M. MARVEL DISCUTE SA SOUMISSION
À l’heure du crépuscule, Iping commençait à peine à ouvrir les yeux, timidement, sur ce qui restait de la fête.
Un homme, petit, trapu, coiffé d’un chapeau de soie râpé, marchait péniblement, dans la demi-obscurité, entre les hêtres, sur la route de Bramblehurst. Il portait trois volumes, attachés ensemble par une sorte de lien élastique élégant, et un paquet enveloppé dans un tapis de table bleu. Sa figure rubiconde exprimait la consternation et la fatigue ; il marchait d’un pas pressé, à perdre haleine. Il était accompagné par une autre voix que la sienne et, de temps à autre, il tressaillait sous l’atteinte de mains que l’on ne voyait pas.
— Si vous me lâchez encore une fois, disait la voix, si vous essayez encore de me lâcher…
— Seigneur ! s’écria M. Marvel, mon épaule n’est plus qu’une plaie !
— Ma parole, je vous tuerai !