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L’idée que le second agent eut de Kemp, à ce moment-là, ne fut pas moins brillante.


XXVIII

LE CHASSEUR CHASSÉ


M. Heelas, le voisin le plus proche de Kemp, dormait dans son pavillon, quand le siège de la maison commença. Il appartenait à la courageuse majorité qui refusa de croire à « cette ridicule histoire » d’un homme invisible. Sa femme, cependant — il dut à s’en souvenir un peu plus tard — y croyait, elle. Il voulut absolument se promener dans son jardin, comme si de rien n’était ; et dans l’après-midi, il alla se reposer comme le font volontiers les gens de son âge. Il s’endormit malgré le bruit des fenêtres brisées ; mais il se réveilla en sursaut avec la conviction curieuse qu’il se passait tout de même quelque chose de fâcheux. Il regarda au-dehors, dans la direction de la maison de Kemp ; il se frotta les yeux et regarda de nouveau. Alors, il mit pied à terre, et s’assit, prêtant l’oreille. Il se dit qu’il avait la berlue. Et pourtant, non, il y avait bien, là, quelque chose d’étrange : la maison paraissait abandonnée, depuis des mois… à la suite de quelque émeute. Toutes les fenêtres étaient brisées, et à toutes, sauf à celles du belvédère, les volets intérieurs étaient clos.

— Je jurerais bien que tout était comme à l’ordinaire (il tira sa montre), il y a seulement vingt minutes…

Il entendit des secousses régulières, puis un bruit de carreau cassé. Alors, comme il était là, bouche bée, arriva une chose encore plus étonnante. Les volets de la salle à manger s’ouvrirent brusquement et la femme de chambre apparut, en chapeau, faisant des efforts désespérés pour soulever le châssis. Soudain, un homme se montra derrière elle et vint à son aide : c’était le docteur Kemp. Et, tout de suite, la fenêtre ouverte, la femme de chambre se glissa péniblement au-dehors ; elle se lança en avant et disparut au milieu des arbustes. M. Heelas, devant ce spectacle extraordinaire, se