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LA REVUE DE PARIS

m’agaçaient, m’impatientaient, j’étais tenté de leur dire, comme Cromwell à ses fous, quand il est de mauvaise humeur « Paix ! trêve ! à bas ! » Pardon, mon cher monsieur, de ces formes si libres, que je me permets avec vous ; mais moins j’y mets de prétention, plus je serai excusé ; au reste j’ai pensé que peut-être ç’avait été de votre part une malice de produire cet effet sur l’auditeur, à peu près comme l’Arioste quand il déconcerte le lecteur en rompant mille fois son fil. Mais même dans ce cas, je persiste à croire que le contraste est souvent poussé trop loin. — Vos personnages vous étaient donnés par l’histoire pleins de ridicules, d’extravagances, c’étaient des caricatures véritables. Tant mieux. Mais n’en avez-vous fait quelquefois trop d’usage ? N’avez-vous pas renchéri sans besoin ? Déjà votre puritain si excellent des deux premiers actes m’avait semblé par moments un peu trop érudit dans la Bible ou plutôt trop continuellement érudit. Je sais que l’histoire est là pour l’attester ; passe donc pour lui. Mais Rochester, il est trop ridicule dans la déclaration d’amour à la Scudéri qu’il adresse à Francis, dans la leçon de poésie à la Racan qu’il adresse à Milton. — Sans doute, il pouvait, il devait dire ces choses-là, mais les dire plus légèrement, d’un ton moins accentué et pour ainsi dire moins gascon. — Surtout, puisque des caricatures historiques, telles que le Puritain et Rochester, vous étaient données, puisque vous inventiez si heureusement ces quatre fous de Cromwell qui agrandissaient encore la scène de l’orgie comique, vous pouviez adoucir les traits de la vieille gouvernante, qui est vraiment trop hideuse pour prétendre à n’avoir que trente ans, qui, parce qu’elle est mariée par accident avec Rochester, ne peut se méprendre au point d’en devenir follement amoureuse et de le poursuivre de ses caresses conjugales. L’accident eût été fort plaisant sans ce surcroît. Vous voyez que ce ne sont là que des critiques de détail ; mais il y a à prendre garde même aux petites choses, car les petites choses tuent les grandes.

— J’ai remarqué aussi que d’une scène naturellement attendrissante ou comique, vous tiriez trop tout ce qu’elle peut donner, et qu’en l’épuisant vous la rendiez moins attendrissante ou moins comique qu’elle ne l’eût été avec plus de laisser-aller. Le croiriez-vous ? J’ose attaquer sous ce rapport la belle,