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LA REVUE DE PARIS

M. Chuquet a loué le caractère loyal et droit de l’auteur des Souvenirs. Jamais de Castres ne voulut rappeler à l’empereur les souvenirs du passé. En 1805, Suchet lui proposa de le présenter à Napoléon : « Vous êtes l’ancien condisciple de l’empereur, lui disait-il, demandez-lui le grade de capitaine et vous serez mon aide de camp. » Il refusa.

De Castres était pauvre, car Jung se trompe quand il montre Bonaparte à Brienne subissant péniblement le contraste de sa situation médiocre avec l’opulence de fils de familles tels que de Castres. À l’exemple de tant de gentilshommes, il émigra aux premiers jours de la Révolution. Obéissait-il à une nécessité ? Il est permis de le croire, en lisant cette mélancolique réflexion qui termine ses Souvenirs : « Malheureux le militaire qui, étant sans fortune, est obligé de calculer avec son estomac pour se décider sur le parti qu’il doit prendre dans les dissensions civiles et qui se trouve forcé de combattre contre son opinion et ses principes. » Pendant de longues années, de 1792 à 1802, il dut mener une vie errante, d’abord à l’armée du duc de Bourbon, ensuite dans les troupes autrichiennes, enfin à l’armée de Condé.

De Castres revint en France après le licenciement de cette armée. Ne pouvant plus servir la royauté, il voulut servir la France. Il dut se contenter d’un emploi modeste au ministère de la guerre, où il fut attaché comme dessinateur ; mais l’ancien officier du génie ne tarda pas à se faire remarquer ; en 1811, il était colonel et aide de camp du maréchal Davout. Ses campagnes furent nombreuses, et l’ancien officier de l’armée de Condé retourna par deux fois à Vienne avec Napoléon. À la chute de l’empire, il se trouvait à Hambourg avec Davout. La Restauration le mit en non-activité ; mais, deux ans plus tard, il était employé à la démarcation des frontières du Nord. Nommé maréchal de camp en 1823, il mourut à Rennes le 12 octobre 1832.

Il écrivit ses Souvenirs au lendemain de la chute de l’empire, comme le précise la date de 1815, rattachée à un événement de famille qu’il rapporte, et les revit en 1820, comme en témoigne une note, relative à l’un de ses anciens camarades qui se trouvait alors à la Martinique.

frank puaux


J’ai eu une très bonne mémoire, je commence à la perdre : c’est pour me rappeler les faits dont j’ai été témoin, ou que je tiens de sources fidèles, que j’entreprends ces Souvenirs. Et comme la mémoire des choses se rattache à celle des temps et des lieux où l’on a vécu et des personnes que l’on a