Page:Revue de Paris - 1905 - tome 1.djvu/675

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
671
LA PREMIÈRE PRÉSIDENCE DE M. ROOSEVELT

l’inconnu le séduit et l’effraye à la fois. Les esprits conservateurs reculent devant l’avenir où les engagent fatalement les campagnes récentes : annexion de colonies, accroissement continu de la flotte, augmentation de l’armée. Ils voudraient que l’on s’arrêtât. Ils prédisent les résultats inévitables de cette politique, dont quelques-uns déjà commencent à se révéler : augmentation des dépenses, élévation des impôts, développement de cet esprit militaire qui a tant coûté à l’Europe, fin de l’isolement politique que les États-Unis ont trouvé jusqu’ici tant d’avantages à garder, accroissement des pouvoirs du gouvernement central, et, comme contre-partie inévitable, restriction de la liberté individuelle. M. Roosevelt parle au contraire aux optimistes et aux audacieux qui, tout en respectant le passé, n’entendent pas y être liés.

Les Américains n’échapperont, pas plus que les autres peuples, à cette ambition qu’ont les êtres vigoureux d’étendre leur action, d’agir le plus fortement possible sur le monde. Ces embarras, ces maux qu’on leur prédit, ils n’ont guère lieu de s’en effrayer pour le présent. Comment s’inquiéteraient-ils de difficultés diplomatiques ? Jusqu’ici, ils n’ont jamais rencontré le moindre obstacle à leur volonté. Les plus glorieuses nations du vieux monde s’attachent à leur plaire : lorsqu’ils se sont attaqués à l’une d’elles, ont-elles osé s’interposer ? La vieille Angleterre leur rappelle sans cesse des liens de parenté dont elle se montre plus fière qu’eux-mêmes ; elle s’évertue à aplanir toutes les difficultés qui pourraient soulever leur mécontentement. Les puissances continentales les ont laissé libres d’agir à leur fantaisie dans la question du canal interocéanique, pour créer cette voie de communication, qui devrait être internationale et que les Américains ont voulu américaine pour l’ouvrir et la fermer à leur gré. Ne sont-ils pas en droit de conclure qu’ils peuvent tout oser ? Et, lorsqu’ils voient les peuples du vieux monde ployant chaque jour davantage sous la charge des impôts, haletant sous le poids de leur armure, quand ils comparent ce fardeau avec leurs propres charges encore si légères, quand chaque année, par la seule augmentation de la population, par l’arrivée de centaines de milliers de contribuables adultes, le trésor public acquiert des sources nouvelles de richesses, comment pour-