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LA REVUE DE PARIS

enquêtes, auxquelles ont répondu quelques artistes et de nombreux critiques, ne révèlent le plus souvent que l’opinion de personnes fort mal documentées sur le sujet qu’elles abordent[1], ou animées d’un parti pris de dénigrement systématique qui les rend suspectes[2]. Et ces avocats ne peuvent que nuire à la cause, parfois très juste, qu’ils défendent. Les

  1. On paraît croire, en général, qu’il y a à la villa une école, parce qu’on l’appelle souvent « l’École de Rome », et s’imaginer qu’il s’y professe un enseignement. — « Ce n’est pas à Rome que la personnalité peut se développer, surtout lorsqu’on y va pour quatre ans, comme élève. » (J.-F. Rafaëlli). — « La pédagogie en usage à l’École des Beaux-Arts, où se forment les candidats au prix de Rome, semble moins responsable de leur médiocrité que la pédagogie de la villa Médicis. » (Paul Adam). — D’autres ignorent même quelle est la durée de la pension et du séjour à Rome (voir l’article de Camille Mauclair, Revue Bleue du 8 octobre 1904). — On s’imagine qu’une discipline sévère immobilise les pensionnaires à la villa ; on appelle celle-ci une prison ; on affirme qu’ils on « besoin d’insister pour voir Ravenne et les primitifs d’Ombrie », et que cette insistance est vue « d’un mauvais œil ». (Camille Mauclair). — On plaint le musicien, privé des « belles auditions, sources infinies de délices et d’études, que sa lointaine réclusion lui interdit de goûter, et qui ont lieu à Bayreuth, à Munich…, à Vienne ». (Maurice Le Blond).

    Pour qui connaît l’Académie de France à Rome, ou seulement son règlement, aucune de ces critiques n’est justifiée. Dès lors, le plus sage n’est-il pas M. Eugène Grasset, qui avoue : « Comment condamner la villa sans y avoir fait un stage ? »

    (Ces citations sont extraites des enquêtes instituées par l’Aurore en avril 1903, et par les Arts de la Vie en octobre 1904.)

  2. « Certes je ne prétends pas qu’il n’est jamais sorti un artiste de cette École. Ce serait absurde. Mais s’il en est sorti des hommes de valeur, ce n’est pas à cause de, mais malgré ce séjour. » (J.-F. Raffaëlli. — Enquête de l’Aurore.) — Pourquoi affirmer que ce séjour n’a pu avoir aucune influence sur leur développement ? Comment le savoir ? N’est-il pas plus conforme à la vérité de penser que toutes, absolument toutes les circonstances de la vie d’un artiste ont contribué à le faire ce qu’il est? et que si Charpentier, par exemple, n’avait pas été élève de Massenet, puis pensionnaire à Rome, il aurait sans doute autant de talent, mais serait peut-être différent du Charpentier que nous connaissons ? « Besnard aurait-il été plus grand, s’il n’était passé par là ? » demande M. Jacques Blanche. Qui oserait l’affirmer? Il aurait été autre peut-être ; et il est permis de ne point regretter qu’il soit ce qu’il est.

    Enfin, que peut-on conclure des jugements de M. Gaston La Touche, qui appelle ceux qui viennent de Rome « des entrepreneurs de bâtisses, de peinture et de ravalement » ? (Enquête de l’Aurore.) Que penser des arguments de M. Maurice Le Blond, qui écrit : « Si l’on excepte quelques compositeurs, et Ingres seul parmi les peintres, pendant le siècle ‘qui vient de s’écouler, l’officine de Rome ne nous a guère fourni que des fruits secs et de médiocres pions. L’expérience est donc concluante… » ? Qualifier ainsi des artistes comme Flandrin, Hébert, Paul Baudry, Élie Delaunay, Henner, J. Lefebvre, Henri Regnault, Besnard, comme David d’Angers, Pradier, Guillaume, Carpeaux, Chapu, Falguière, Barrias, Mercié, comme Duban, Labrouste, Lefuel, Vaudoyer, Ch. Garnier, Vaudremer, Chaplain, Roty, Gaillard, c’est montrer avec satisfaction qu’on n’aime pas leurs œuvres, et rien de plus.