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LA REVUE DE PARIS

serions retournés contre cette même thèse et nous aurions dénié au Sultan les droits que naguère nous réclamions pour lui ! Nous aurions soutenu cette nouvelle opinion jusqu’au point de nous mettre en guerre avec l’Angleterre !

Car c’était bien de guerre qu’il s’agissait. Qu’on relise la correspondance de cette époque et qu’on interroge les acteurs de la négociation qui s’est poursuivie depuis le mois de septembre 1898 jusqu’au mois de mars 1899. Durant cette période, nous avons été à deux doigts des hostilités. Un peu par notre faute, — puisque nous n’avions pas su aller au-devant de revendications fondées, — beaucoup par la faute des Anglais, qui n’ont pas pris vis-à-vis de nous le ton cordial qui aurait rendu la solution facile[1], la situation s’est tendue à un degré que ne justifiait pas un intérêt en somme secondaire. Les rapports amicaux qui règnent actuellement entre les deux peuples me font un devoir de passer sous silence les détails de ces pénibles pourparlers.


c. de freycinet
  1. Il faut dire, à la décharge des Anglais, que chez nous la presse et parfois certains orateurs parlementaires ont excité leurs préoccupations légitimes. Nous parlions couramment de leur « barrer le Nil » et de les forcer, par ce moyen indirect, à « résoudre la question d’Égypte ». Ces menaces, succédant à une série de démarches où nous avions surtout paru désireux de gêner leur administration — ce qu’ils appelaient la « politique de coups d’épingles » — les avaient irrités et prédisposés à se montrer peu accommodants le jour où ils trouveraient une occasion favorable. Cette occasion, l’expédition Marchand et surtout l’obscurité que nous avions laissée planer sur elle, la leur a fournie.