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naux et la nécessité d’une autonomie susceptible de les sauvegarder. À travers la crise révolutionnaire, un souffle avait passé balayant les obstacles, les préjugés, les rancunes réciproques, qui jusque-là séparaient les deux peuples et maintenaient entre eux un conflit constamment exaspéré.


Les congressistes russes ne nous parlaient pas de grâce, mais de justice et de devoir, raconte un des délégués polonais. Ils ne nous tendaient pas les mains, mais les bras, et, dans cette étreinte, nous sentions la chaleur des sentiments fraternels. Nous apercevions des larmes dans leurs yeux ! Mouromtsev[1] nous disait : « J’ai toujours rêvé de voir le jour où il me serait permis de crier aux Polonais : nous maudissons l’oppression de la Pologne et ceux qui en ont été les instruments… Nicolas Goutchkov, aujourd’hui président de Moscou, déclarait en séance du congrès que la soirée qu’il avait passée la veille chez Leduiçki[2], s’entretenant avec les Polonais de leur liberté future, était le plus beau moment de sa vie. Et combien d’autres je pourrais citer qui se sont exprimés de la même manière : Petrounkévitch, de Roberty, Chtchepkine, les deux princes Dolgorouki, le prince Lvov, Milioukov, le prince Chakhovskii, Struve, Maxime Kovalevski… J’en oublie[3].

En dépit de quelques dissonances ultérieures, l’accord du parti ziémstiviste sur ce point a été maintenu au second congrès de novembre, et c’est ainsi que, dans un article publié par la Revue Bleue (janvier 1906), l’un des présidents de l’assemblée, M. Kovalevski, a pu désigner les Polonais comme les principaux bénéficiaires des deux réunions. Cet accord n’a pas laissé de soulever, dans d’autres milieux, des objections et même des récriminations violentes. Il a provoqué et solidarisé les résistances de l’esprit bureaucratique, qu’il menaçait dans quelques uns de ses intérêts les plus chers, comme de l’esprit conservateur, ennemi de toute initiative hardie. La cohésion du grand parti constitutionnel, issu des deux congrès moscovites, s’en est trouvée elle-même atteinte. Des dé-

  1. Le Président actuel de la Douma.
  2. Député polonais à la Douma, du gouvernement de Minsk.
  3. Louis Straszewicz dans le Sleuv de Varsovie, 14 février 1906.